Alice Ferney Paradis Conjugal, 2008, éd. Albin Michel
L'Histoire
Elsa Platte, ancienne danseuse, mariée et mère de quatre enfants, passe son temps à voir et revoir le film Chaînes conjugales de Mankiewicz. Dépressive, elle s'interroge sur l'amour, son couple, la relation homme/femme. La veille au soir, elle a essuyé une dispute et son mari lui a lancé cette phrase qui la hante : "Demain soir et les soirs suivants, prépare-toi à dormir seule. Je ne rentrerai pas. Je ne rentrerai pas dans une maison où ma femme est installée devant la télévision, voit le même film depuis trois mois, ne se lève pas pour me préparer à dîner, et se couche sans me regarder!". L'histoire du film vient se calquer sur sa propre vie : trois femmes qui doivent s'absentée pendant une journée entière, reçoivent, juste avant de partir, une lettre d'une quatrième leur annonçant que l'une d'entre elles ne retrouvera pas son mari en rentrant chez elle.
Ce que j'en pense
Mon impression est mitigée. Le début m'a un peu rebutée: réflexions un peu creuses avec des expressions toutes faites comme : "Elsa Platte est désemparée. C'est le tourbillon de la vie qui l'a emportée" (p. 27)... J'ai aussi eu un peu de difficultés à plonger dans l'histoire et notamment celle du film que je ne connaissais pas. Mais surtout on se demande parfois l'intérêt de raconter un film. En effet, l'auteur raconte par le menu, scène après scène, le film regardé par Elsa et deux de ses enfants. Le recit du film est entrecoupé de réflexions des enfants, et d'Elsa. Finalement le livre donne envie de voir le film mais pas forcément de lire. On connaît les transcriptions d'art au temps où la photographie n'existait pas (lire Baudelaire ou Zola parlant des peintres de leur époque), reste à savoir si ceci peut s'appliquer au cinéma, je n'en suis pas sûre! Puisque finalement on a parfois l'impression de lire le scénario romancé... où se trouve alors la part de l'écrivain, son imagination, son originalité, d'autant que le parallèle entre Elsa et les femmes du film est tellement copié-collé que le mécanisme tourne sur lui-même.
J'ai également été dérangée par l'effet mode du roman. Tout en lisant le livre racontant le film, dans le fond de mon cerveau, je pensais à "Desesperate Housewives": 3 femmes différentes menacées par une quatrième nommée Addie (tiens tiens ne serait-ce pas Eddy?)... en faisant des recherches sur internet j'ai découvert que ce film de Mankiewicz était une sorte de "Desesperate" avant l'heure! Il y a donc comme un effet d'emboîtement : le film de Mankiewicz, les "Desesperate" et le livre de Ferney! c'est ce que j'appelle suivre la vague !
Enfin, dernier reproche : le côté nunuche à la fois du personnage principal mais aussi du style employé, cette façon de tomber dans les clichés surtout quand l'auteur évoque les tourments d'Elsa.
Je finirai par les points positifs. Quand Ferney raconte les scènes du film on est irrésistiblement porté par l'histoire, là les réflexions, l'analyse des personnages sont plus pertinentes, on s'attache à ces trois femmes et à ces hommes un peu malmenés. Mais (je ne peux y résister) le problème est que l'histoire n'appartient pas à l'auteur, que la composition des scènes non plus.
A vous de vous faire votre propre idée. Je n'ai pas lu d'autres romans d'Alice Ferney, peut-être que cela nuit à mon analyse. Si vous avez déjà lu ce roman ou un autre de Ferney n'hésitait pas à me laisser vos commentaires.
6/10