Une nouvelle litterature est possible

Par Lazare

Ma mère prétend que j'avais trois ans & des poussières lorsque j'ai bu (par accident) ma première bière. Je ne m'en souviens pas mais je serais plutôt en clin à la croire. Par contre, je me rappelle très bien qu'à quatre ans je voulais être reporter pour Playboy. A l'âge de cinq ans je savais qu'une nouvelle littérature était possible. Malgré tout le mal que quelques écrivains français se sont donnés pour me contredire je sais aujourd'hui que j'avais raison. Une nouvelle littérature est possible.
Je le sais, je l'ai rencontré.

Un des derniers textes vraiment sexy que j'ai lu dans la semaine se trouvait en page 42 de Monsieur, un magazine pour les types qui se la racontent & qui sont bourrés de fric jusqu'au nez. Une pleine page sur les nouveaux cigares devant débarquer à la rentrée dans toutes les bonnes civettes. En commençant un article pareil, la première fois je veux dire, on se dit que c'est complètement dément de faire une page entière rien qu'en parlant de cigares, de leurs forme, de leur robe, de leur combustion & tout un tas de choses dont je n'imaginais même pas l'éventualité d'une évocation. Curieusement, j'ai lu le papier jusqu'au bout &, très curieusement, c'était assez agréable. Selon Monsieur Magazine, le module star du mois ne serait pas cubain (ça arrive de plus en plus souvent paraît il) mais en provenance du Nicaragua. Un robusto entièrement hecho a mano « un exemple révélateur de l'émergence du Nicaragua sur le marché international du cigare [...] ce robusto Anno IV sort des deux meilleurs terroirs du pays, Estelli & Jalapan. ». Passionnant non? Oh! je sais bien ce que vous allez dire, que Lazare a complètement craqué de la moule, qu'il a surtout pas les coucouilles de se taper les trois tomes des Somnambules de Broch... pas faux, mais laissez moi vous expliquer une chose, parfois je n'ai plus le goût de rien. La vie est incipide. Ça m'est tombé dessus lorsque j'ai relu Céline pour la seconde fois par exemple, pareil lorsque j'ai refermé Le Grand Nulle Part d'Ellroy & que dire de 2666? Dans ces moments d'atonie oculaire une nouvelle littérature est possible. A chacun de l'inventer.
Tiens, en parlant d'Ellroy, Arte, dont je reparlerai un peu plus loin, a diffusé hier soir un truc vaguement intello-corrosif-undermachinchouette sur l'auteur du Dahlia Noir & un de ses potes qui ne se déplace qu'en limousine, Bruce Wagner. Ils étaient là, dans la limo, à marcher dans la rue, à boire du jus d'algues séchées, à draguer les vieilles qui promenaient leurs chiens & ils parlaient, parlaient, échangeaient des dialogues qui se voulaient sûrement originaux parce qu'ils utilisaient des mots comme "pelouse", "Doristos" & "trip d'acides" dans la même phrase. Ellroy passait des coups de fil absurdes en brayant comme un sauvage tandis que l'autre vomissait sur Bukowski qui, d'après lui, ne méritait pas la renommée qu'il avait eu. Puis, on le voit qui imite un chien en chaleur devant un poteau avant d'appeler son chauffeur. Imposture des dieux déchus, soupirai je.
Sinon, Ingrid Bétancourt est libre.
Les nuits insomniaques qui me voient passer des heures entières à crawler sur le net sont absolument semblables à la torpeur qu'à du ressentir Alvar Nùñez Cabeza de Vaca lorsqu'il se fit défoncer la rondelle par des indiens à l'embouchure du Mississipi, lui qui les avait défendu devant le roi d'Espagne afin qu'on les traite comme des êtres humains, mais néanmoins dévêtus. Personne n'aime s'habiller pour marcher dans la rue, mais c'est la lois. Vers l'âge précoce de six ans j'avais déjà fait le tour du rock'n'roll. Rien ne pouvait plus m'exciter qui sortait d'une guitare. Même de me déguiser en mini Ziggy Stardust pour épater les copains de mon école m'ennuyait. Ce qui m'a sauvé d'une dépression certaine c'est d'avoir découvert l'électro. Un truc immense. Une arborescence! & voilà donc, parlant d'électro mais ça n'a rien à voir, qu'en farfouillant chez la famille je tombe sur des mecs des vrais avec des roubignolles de conquistadores, des casques de moto & tout & tout.

MEC
Silver Apples
Il est presque 2H 45. L'heure de se mettre un petit Silver Apples, me dis je. Pffff! J'aurais pu aussi déclamer quelques vers maison face au mont Thabor qui n'est pas si grand que ça tout compte fait.
POEME AU PEUPLE DE COLOMBIE EN JOIE
Chère Ingrid je te faxe
Mon pneumothorax
Syntaxique & surtaxé
De ce climax
Né depuis Ajax
Au thorax surexposé
& qui mouru relax
Loin d'Halifax
Anorexique & relaxé
D'un ultime fax
Qui fit koax koax
Tous avec moi:Ingrid Bétancourt est libre! Ingrid Bétancourt est libre!
Pause/ 2H du mat. Faut que j'actionne les tapadouilles sur les oreilles parce que Mme Monaco (prononcer Mônaaaaaco), qui est ma propriétaire mais/et/ou/aussi ma voisine, risque de devoir traîner les babouches jusqu'ici pour faire respecter l'ordre & HOP! « Don't Stop 'til You Get Enough » de Michael Jackson. Hé, hé. Voilà que je me trimballe dans l'appart en poussant des « Ouh! » des « Heuhaah! » & des « Aoooooouh! » le tout les mains plaquées sur l'entre-jambe pendant que des renards traversent mon jardin les yeux brillants comme sur des photos de famille. Je t'ai vu Foxy! Où sont mes chaussettes à paillettes que je me serve un mojito. « Hiii! hiiiii! ».
Ingrid, Michael Jackson avez raison. You're not alone. I a m here with you...
Vogue. GQ. Monsieur. Dandys. On trouve aussi dans ces pages de presse chic & choc des conseils pour avoir une peau parfaite avant l'été, pour vivre en paix avec ses collègues de bureau, pour éviter toutes les embrouilles qui parsèment une vie de couple, quelques idées de vacances pour jeunes traders stressés &, un truc épatant, plein plein d'articles comparatifs sur les meilleurs marques d'alcool & les cocktails qu'on peut faire avec, suivit d'un historique de la recette & ça, vous vous en doutez, m'intéresse au plus haut point. Ça à toujours de l'effet de dire, au milieu d'un pic-nique, que le Gin Tonic est le plus vieux drink du monde & que, contrairement à la croyance populaire, il ne fait pas mal à la tête. Ce qui n'est pas le cas du gin tout seul. Tic.
Maintenant je me dis que mon salut pourrait bien venir de mon aptitude à faire des tricots pleins de couleurs ou de messages subliminaux. Il est 3h12. Des tricots avec le logo de Tristero blanc sur fond rouge ou bien avec une tête de cheval auquel un gamin aurait collé un cornet de glace sur le front pour en faire un licornet à la fraise. Mouais...
Il est donc trois heures douze sonnantes tapantes & Arte, qui est une chaîne que j'admire au plus haut point mais qui éprouve mes limites à la concentration, passe la rediffusion d'un reportage sur les kamikazes japonais qui ont survécu à la kamikazerie, si vous me permettez l'expression. Merde! C'est quand même spectaculaire. Je suis donc en train de regarder des avions se crasher sciemment sur des bateaux, je suis en shorty à rayures orange/marron/jaune en buvant quelques gorgées de mojito. Hum... Il est trois heure du matin. Ingrid est libre librelibrelibrelibrelibrelibre... Pas sommeil un brin. Attention les yeux!
Mon père m'a toujours fait comprendre qu'il n'existait que deux lieux où je pouvais vociférer les pires grossièretés s'en risquer de m'en prendre une en retour: dans la voiture (plus précisément en voiture à Marseille) & au Vélodrome & si pour finir je vous disais que je suis le seul type de toute la vallée à faire mon footing avec un t-shirt The Paris Review parme en écoutant MGMT à fond les ballons vous me répondrez que le voeu de Flaubert est désormais exhaussé & vous aurez bien raison.

Argggh!

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INGREDIENTS

Dans la bouche:
6 Philip Morris
3 Mojitos au mezcal (plus d'Angostura)
1 belle grosse tranche de Napolitain dont je ne raffole pas particulièrement

Sur la platine:
Akiko Kiyama « You Won't Speak To Me » (ne me demandez pas où j'ai trouvé un truc pareil)
O. Lamm « Silviphobia »
Silver Apples « Velvet Cave »
Michael Jackson « Don't Stop 'Til You Get Enough »
The Pharcydes « Runnin' »
Anada Shankar "Streets of Calcutta"MEC "Course 1"