La nuit dernière...

Par Pandora

Voici encore une de ces petites histoires que je racontais le soir... je n'ai encore quasi rien écrit depuis le retour, il va falloir que je m'y remette parce que le stock diminue ;-)
La nuit dernière, j’ai été réveillée par une envie pressante provoquée par l’abus de thé noir dont on nous abreuve pour prévenir le redouté et redoutable mal des montagnes. Après une demi-heure d’hésitation, je me décide finalement à quitter la douce chaleur de mon duvet pour m’extirper de la tente. Sans bruit pour ne pas réveiller ma voisine, Delphine, je m’extrais péniblement de mon sac de couchage, j’enlève mon bonnet de nuit à pompon, mon panty et ma longue chemise de nuit blanche en dentelle. J’éteins mon matelas électrique auto-massant et je pousse mon oreiller chauffant ergonomique. (Vous ne vous imaginiez quand même pas que j'allais dormir à la dure ;-))) Il ne me reste plus qu’à enlever mes chaussettes de ski et je suis prête. Vous allez me dire que c’est beaucoup de remue-ménage pour aller faire pipi dans la montagne, mais on ne sait jamais, si je devais rencontrer une mule ou une chèvre, je préfère être décente ;-)

Je fais donc ma petite affaire mais je suis intriguée par un éclat de lumière qui provient de la tente cuisine, et bien plus encore par la silhouette d’un homme en costume qui s’éloigne rapidement du campement par cette nuit étoilée. Je me rapproche doucement pour comprendre ce qui ce passe mais il n’y a absolument personne dans la tente ; il me semble bien pourtant entendre de la musique qui en provient… Intriguée, j’éteins donc ma lampe frontale et je me cache derrière une grosse, une très grosse… bon d’accord ! Une très très très grosse bassine. Et au bout de quelques minutes, je vois un ladakhi en smoking entrer, s’avancer vers la tête de yak empaillé qui est accrochée sur un des pans de la tente et en tourner la corne gauche dans le sens des aiguilles d’une montre. Une porte secrète s’ouvre alors et j’entends beaucoup plus distinctement la musique jusqu’à ce que la porte se referme… Voici donc l’entrée.



Curieuse, je m’approche de la tête du yak, en saisit la corne gauche et la tourne à mon tour puis je m’engouffre dans une sorte d’antichambre où un ladakhi en kimono blanc, ceinture noire apparemment, m’observe en secouant négativement la tête pour me faire comprendre que je ne peux pas entrer. Il tend le doigt vers une pancarte sur laquelle il est écrit en une dizaine de langues différentes : « Tenue correcte exigée »… Ma tenue de trek n’a pas l’air de lui convenir. J’essaie d’insister mais il commence à se fâcher et de colère il casse du tranchant de sa main une table située à sa droite. Je préfère donc ne pas insister et regagne prudemment ma tente.

En fait, en prévision de ces soirées impromptues, je ne pars jamais en trek sans une tenue plus habillée consistant en une robe longue noire et des chaussures à talon aiguilles, noires elles aussi. Forcément ;-)

Je me change donc rapidement dans la tente, ce qui est plutôt difficile vue le peu de place dont je dispose, en essayant de ne pas réveiller ma voisine qui dort profondément et c’est cette fois sans encombre que je passe ainsi vêtue l’obstacle du videur. Ce que je vois alors est proprement ahurissant, jugez plutôt :

Musiques variées à fond la caisse, ladakhi en smoking blanc ou noir avec pour la plupart un edelweiss à la boutonnière. Les horse men (qui conduisent les mules) sont vêtus comme des cow-boys, un stetson sur la tête, des santiags aux pieds et un colt sur chaque hanche ; ils enlèvent d’ailleurs galamment leur couvre-chef pour me saluer à mon entrée.

Et dans ce qui s’avère être une boite de nuit, je reconnais certains des membres de notre groupe.

Je vois notre corse préféré sur la piste de danse, en train de danser langoureusement un slow avec une mule blanche, lui glissant quelques mots dans l’oreille qui la font hennir de plaisir.

Un peu plus loin, à une table de poker, c’est Isa qui est semble-t-il en grande veine. Elle porte elle aussi pour la soirée une robe noire et y a assorti un bandeau pailleté mais noir dans ses cheveux. La touche finale est la petite chaussette noire décorée de tous petits diamants qu’elle a négligemment accrochée à la bretelle de sa robe. Tous les adversaires présents à la table de jeu sont au mieux torse nus, voire en caleçon… il semble qu’elle gagne au strip poker et elle me gratifie d’un petit clin d’œil à mon passage.

Dans la salle à côté, celle de la roulette, je vois Yannick, lui aussi en smoking, un calepin et un crayon à la main en train de calculer les probabilités pour que la bille tombe sur le 13.

Mais tout d’un coup la musique s’arrête et un grand silence se fait, le numéro vedette de la soirée va commencer, Shééranita et sa danse du ventre. Elle apparaît sur la scène, une pierre turquoise dans le nombril et un étroit jupon moulant étroitement ses hanches pour une danse du gruyère endiablée, autour d’un katlon aux fortes odeurs fromagères. Tout le monde est sous le charme et retient son souffle.

J’aperçois derrière le bar notre cuisinier vêtu cette fois d’une tenue rouge de groom et je me rapproche, je commence à avoir soif avec tout ce fromage.

-     Jule

-   Bonsoir mademoiselle, que désirez-vous boire (il parle très bien français tout d’un coup)

-   Que me proposez-vous ?

-   Nous avons tout ce que vous désirez (le rêve ;-))

-   Vraiment ? Vous faites des pina colada ?

-   Oui

-   Avec de la glace pilée ?

-   Bien sûr mademoiselle

-   Une pina colada alors s’il vous plait

Et je me retourne vers la scène pour admirer Shééranita tandis qu’il commence à s’affairer au bar, façon Tom Cruise dans cocktail



-   Coffee or black tea, Miss ?

-   Non, une pina colada

-   Black tea Miss ? 
  -  No, pina colada !

  -   Sugar or no sugar ?
La voix de Dordje finit par me faire émerger brutalement de mon sommeil et quitter le rêve dans lequel j’étais si agréablement plongée. C’est l’heure du thé noir qui signe le réveil…

Et dire que je n’ai même pas eu le temps de goûter ma pina colada !