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Preuve que l’événement ne devait rien au hasard, dans les heures qui suivirent, les taliban lancèrent une puissante offensive générale sur toute la ligne de front. Bien organisées, les défenses de l’Alliance du Nord tinrent bon contre l’avalanche. Pour ne pas démoraliser des troupes en pleins combats, les principaux lieutenants de Massoud cacheront la nouvelle de sa mort.
Deux jours plus tard, le monde regarde en direct les tours jumelles du WTC s’effondrer… La colère de l’Amérique s’abat sur le régime de Kaboul et, bientôt, les soldats de feu Massoud chassent les taliban de la capitale, lourdement soutenus par les bombardiers US.
Il est tentant, et toujours un peu facile, de vouloir refaire l’histoire avec des « si », mais comment ne pas se demander ce qui aurait pu arriver si les puissances occidentales avaient accédé aux appels répétés de Massoud ? N’envoyez pas de troupes, disait-il, les Afghans doivent se libérer par eux-mêmes, mais donnez nous des armes et des munitions, nous chasserons le Taleb et nous tenterons de créer une fédération en paix, enfin… Notre surdité d’alors nous semble aujourd’hui à la fois bien sotte et si lourde de conséquences…
Massoud n’était pas un guerrier de profession : ancien élève du lycée français de Kaboul, il était ingénieur, admirateur du général de Gaulle et de poésie. Il rêvait, pour son pays, d’une confédération basée sur le modèle suisse. Par la force des choses, il devint l’un des commandants les plus charismatiques, les plus fascinants, les plus talentueux de la fin du 20éme siècle.
Alors, bien sûr, il n’était pas exempt de tout reproche : après le départ des troupes soviétiques, en 1989, les différents clans, dont le sien, se déchirèrent au cours d’affrontements sanglants pour la prise du pouvoir central. Il ne fait guère de doute que la lassitude des Afghans devant l’absurdité de ces combats, une fois l’envahisseur chassé, favorisa la prise du pouvoir des taliban.
Il n’en reste pas moins qu’Ahmad Shah Massoud était un grand homme dans son pays et, qu’avec sa mort, l’Occident a sans doute perdu son plus précieux allié dans la région…
Photo : le mausolée de Massoud en construction.
VOIR LE FILM DE CHRISTOPHE DE PONFILLY, « MASSOUD L’AFGHAN », SUR THEATRUM BELLI.