North of La Rochelle, west of Niort, the Poitou marshes are a strange land. I explored it 15 years ago in a small two seats kayak. It is not a country indeed, between land and water, field and sea, grass and mud. We meet with fish, birds, cows and boys in a green universe. Everything is green, water, grass, trees, many sorts of green. Is the green colour a symbol of life? Of peace? Of love? Just try to live in and explore it, you will probably have your reply.
15 ans, l’âge du Gamin. Six mois avant sa naissance, j’ai exploré le marais poitevin. Cette terre mêlée d’eau des confins niortais fascine en ce qu’elle n’est ni sol, ni rivière, mais zone grise et mouvante d’où sourd, des profondeurs, ce gaz mystérieux qu’un rien enflamme lorsqu’une grosse bulle vient crever en surface. Paysage de bois et de prés, d’eau morte et de courants profonds, de brumes à la brune et de lune argentée, il s’agit d’un lieu d’ailleurs, mi figue mi raisin, mi chair mi poisson. Les grenouilles y voisinent avec les vaches et les tapis de lentilles d’eau ressemblent à s’y méprendre à ces pelouses d’herbe tondue alentour.
Nous avons exploré le marais en kayak de mer, cet engin de toile et de bois souple dans lequel on tient à deux et avec les bagages. Le Nautiraid est démontable, étanche et léger. Il permet de se faufiler partout, bien mieux que ces barques à fonds plats, traditionnels moyens indigènes, qui servent aujourd’hui à parquer les touristes sur quelques canaux connus. Nous allons vagabonder là quatre jours, explorant les canaux ignorés ou stagnants, campant le soir sur les prés, près des vaches placides qui viennent au matin, curieuses comme de vieilles chattes, brouter l’herbe au ras des tentes.
Nous partons d’Arçais, village pittoresque et tranquille, pour aller droit dans le marais mouillé. Nous empruntons les rivières Lay, Vendée, Autise et Sèvre Niortaise, les chenaux des Cinq-Abbés ou l’Achenal-le-Roi, les rigoles et les conches, d’Arçais à Coulon, Maillezais, Marrans, Chaillé, Courçon, et retour à Arçais. La terre y devient boue, cette vase argileuse nommée ici ” bri “, puis colore l’eau de rivière ; gorgée de limon, elle nourrit le végétal amant de l’eau et les bêtes des marais y prolifèrent. En cet univers, nous passons comme des sirènes, corps d’homme sur jambes de poisson, bras souples actionnant les pagaies tandis que le bas glisse, immobile, sur l’onde sombre.
L’eau est douce et glauque, elle coule paresseusement dans les chenaux fréquentés, reste immobile dans les conches, vite couverte du vert cru des lentilles d’eau ou de ces petites plantes à feuilles serrées, d’un vert mat, épaisses, gonflées aux nitrates lessivés des champs cultivés en amont. Dans ces conches où nul ne passe plus jamais, condamnées par le mouvement du marais comme par la pollution des engrais, combien de fois nous sommes-nous faufilés sur nos légers kayaks qui fendaient l’eau lourde de végétaux !
Le marais est le domaine du vert. La couleur repose l’œil, vivifie l’esprit et rend joyeux, par on ne sait quelle secrète correspondance entre sève et sang, entre feuille et chair, entre tiges et bras. L’eau est ici amie, amniotique appelant le bain (midi et soir), sournoise aussi car elle charrie en ses profondeurs des branches pointues et des débris pourrissants que l’orteil effleure, sur le fond, sans envie d’y entrer plus avant.
Ici, la verdure est charnue et vigoureuse, tout comme les vaches et les gens que l’on croise sur les ponts, aux rares endroits ouverts. Les aulnes plantent leurs racines profond au bord de l’eau ; les saules laissent pleurer leurs branches dorées aux larmes vert amande, les frênes écartent leurs doigts, comme pour protéger les plantes plus petites qui croissent à leur ombre : ficaires aux feuilles en écu, iris jaunes comme des étoiles dans un ciel vert, angéliques aux feuilles aiguës et aux larges ombelles, grande consoude et tant d’autres végétaux des marais.
Les peupliers balancent leurs silhouettes graciles comme un rang de jeunes filles prêtes pour la danse. C’est une symphonie de nuances ; les verts s’étalonnent entre jaune et bleu, du plus clair au plus sombre, du plus mat au plus brillant. Le vert est lumineux ou virginal, selon qu’il tire vers le doré du soir ou vers le bleuté de l’aube. Le vert est jeunesse, il incite à l’amour. Charnel, éclatant, satiné, le végétal est femme ; frais, transparent, vigoureux, il est mâle. Il rappelle la chair, il célèbre la santé, il est souple et charpenté comme un corps.
Jeunesse viride des plantes alentour, jeunesse agile des animaux du lieu : hérons cendrés au long bec, colvert au cou émeraude, vives poules d’eau parmi les herbes de la rive, vifs martin-pêcheurs aux ailes d’or, cygnes majestueux en vol, le cou tendu, loutre discrète qui se faufile sous la rive, carpe qui saute, goujon qui file, et cet l’alevin qu’un coup de pagaie a livré, tout tortillant, sur le flanc du kayak.
Jeunesse humaine sur les bots, dans ce marais abandonné des producteurs et laissé au jeu : gosses court vêtus pêchant à la ligne en silence ou jouant aux sauvages en se coulant parmi les herbes ; gamin avant l’âge de raison qui courut vers nous, fasciné par ces kayaks semblables à de petits Nautilus, qu’il n’avait jamais vus ; adolescent fier et réfléchi, en bottes et jean, torse nu, mouchoir rouge de Cholet autour du cou, fils grave de maraîchin sans doute, galérant sur sa plate qui refusait obstinément d’aller plus vite, bien qu’il forçât sur la pigouille.
L’eau, la terre, les pantes, les êtres - le marais comblé du golfe des Pictaves est un étrange microcosme qui fait voir la vie autrement. Une fois, ma pelle a recueilli sur les herbes en suspension une minuscule rainette ; elle me regardait fixement de ses yeux d’or, immobile comme un basilic. Mystère du marais…
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 06 mars à 00:32
Bonjour à tous les amoureux du marais poitevin. Nous vous invitons à visiter à l'occasion le site de notre gîte, situé sur la commune de Maillezais, au coeur du marais. Ce gîte a été rénové dans un esprit écologique. lien : http://atelier-du-petit-sauvage.artblog.fr/ A bientôt peut-être...