A quelques encablures de l'exposition du British Museum sur le premier empereur, la National Gallery rassemble quelques-uns des plus grands chefs d'oeuvres de la Renaissance Siennoise, dans l'aile Sainsbury.
Bref rappel historique des faits : Sienne / Florence, c'est un peu Marseille / Psg, les soeurs ennemies de l'histoire de l'art. Pour la chronique officielle (rédigée par les historiens florentins, après la victoire de leur ville sur sa rivale...) l'heure de gloire siennoise court du XIIIè au XIVè siècle, pas guère au-delà. C'est la pré-renaissance, l'époque des frères Lorenzetti, Ambrogio et Pietro, des premières constructions à perspectives, de Duccio, des chefs d'oeuvres de Simone Martini. Ce sont aussi des oeuvres marquées par le religieux, les fonds d'or, l'art gothique, les annonciations, certains diront un art "médiéval", "conservateur", "old school", par rapport aux prouesses techniques des florentins.
Toujours selon la chronique officielle, Florence règne sans rivale sur le XVè et XVIè siècle. Florence, c'est Masaccio, le génie de la chapelle Brancacci, c'est Verrochio, Botticelli, Leonard de Vinci, et puis surtout, Florence c'est le retour à l'antique, dans les arts et lettres, et Florence, enfin, c'est Michel-Ange. La perspective enfin maîtrisée, l'art des volumes, de la 3D, le "réalisme", et des peintres aux personnalités tumultueuses, aux destinées contrariées, génies tourmentés, audacieux, homosexuels, rebelles, etc.
Bien sûr, il y a toujours ceux qui préfèrent Sienne, plus élégante, plus sophistiquée, moins "carte postale". Mais Sienne reste encore largement considérée comme une ville artistiquement médiévale, restée à la porte de la Renaissance.
L'expo de la National Gallery entend réparer l"injustice, et montrer la vitalité de la "Renaissance Siennoise" tout au long du XVè et XVIè siècle. Le parcours étale sur 6 ou 7 salles plusieurs chefs d'oeuvres surprenants. Je pense tout particulièrement à ceux de Sano di Pietro (1405-1481) en particulier la vierge à l'enfant avec Saint dont je ne trouve pas trace sur le web, et je vous renvoie au catalogue. Le panneau dégage une grande douceur, la position des mains de l"enfant et de la vierge sont exquis. On voit d"ailleurs la façon dont l'artiste combine les dernières techniques florentines du volume et l'héritage du style siennois. Comme quoi en peinture il n'y a pas de peintres "retrogrades" ou égarés sur la voie du progrès, il n'y a que de bons et de mauvais peintres, avec des choix esthétiques conscients et assumés.
Autre pièce marquante, la flagellation du Christ, de Francesco di Giorgio (1439–1501) : cette plaque de bronze reproduite ci-contre, pousse au maximum la force expressive de l'art de Sienne. Pour un peu, on pense aux esclaves de Michel Ange, exécutés à Florence à peine 30 ans plus tard (1520-1532).
Enfin, la dernière salle consacrée à Domenico Beccafumi illustre la vitalité du maniérisme siennois, contemporain des recherches florentines de l'époque. A voir également, quelques pièces de Luca Signorelli, dont on se souvient l'extraordinaire chappelle dans la cathédrale d'Orvieto (décisive dans la compréhension du jugement dernier de Michel Ange). J'ai eu plaisir de retrouver dans ce contexte le très joli panneau "Le rêve du Chevalier" (1504) de Raphaël - artiste invité de la ville - exposé en Août 2006 à la villa Borghèse, à Florence justement.
Voir ici un article plus soigné du Telegraph. La Renaissance Siennoise, Renaissance : Siena, art for a city, à la National Gallery jusqu'au 13 janvier. Donc rien ne presse, mais il faut tout de même se dépêcher.