De retour de Barcelone, je mentionne la magnifique exposition Zoran Music (mort en 2005) organisée au premier étage de la Casa Mila (Pedrera) à Barcelone (voir un article ici). Exposition gratuite, mais pas au rabais. Car tandis qu'au musée du Luxembourg on paie une fortune pour voir dans la bousculade quelques tableaux choisis, c'est ici toute la carrière de Zoran Music qui est montrée, (130 oeuvres, dont certaines inédites) des oeuvres figuratives des premières années jusqu'aux portraits de la fin, en passant par la période abstraite, et les toiles de la série "nous ne sommes pas les derniers", certainement les plus connues du peintre. Certaines d'entre elles ont fait les riches heures des couvertures de livres de poche de Robert Antelme, Raul Hilberg, Semprun (ils aiment bien Music chez Gallimard). Un très beau film d'interview ponctue la visite, qui est une chance donnée de pénétrer l'intimité d'une oeuvre parmi les plus vibrantes du XXème siècle.
Le parcours de l'exposition montre le travail de Music avant sa déportation à Dachau peinture figurative de paysages italiens (lagune, chèvres et bergers des appenins) de très belle qualité plastique. Revenu à Venise, les peintures reprennent les mêmes thèmes, mais ramenés à l'épure, avec un motif plus simples, et toujours ces tons pastels, ces tracés comme à la craie de couleur.
Bientôt, c'est la "mode" de la peinture abstraite, et Music s'essaie au non figuratif, à partir d'un travail sur les collines et les reliefs désertiques, désolés, des environs de Sienne. C'est du fond de ces paysages valonnées, et de l'insatisfaction où le laisse une forme d'art qui ne lui correspond pas, que les figures de la mort vont ressurgir. Voir cette lente et progressive apparition des cadavres des camps dans l'oeuvre de Music, des années après la sortie de Dachau, comme s'il avait fallu tout ce temps pour que la mémoire se fortifie, et trace son chemin dans l'oeuvre jusqu'à maturité, est une expérience que l'on recommande.
A lire également, le bouquin de Jean Clair, La barbarie ordinaire, Collection blanche, Gallimard
Zoran Music, de Dachau à Venise, Pedrera, Barcelone, jusqu'au 18 mai.
Voir également ici.