Sur la route des vacances, et pour tous ceux qui auraient la chance de passer l'été près de l'Isle sur la Sorgue, ne manquez pas la délicate et subtile exposition consacrée à Ernest Pignon-Ernest, dans la non moins délicieuse et délicate maison de René Char.
Ernest Pignon-Ernest est un artiste dont le travail (original) consiste (en gros) à choisir d'abord un espace urbain chargé de sens, pour y placer un dessin relatif à l'histoire du lieu par exemple, dessin qui sera ensuite photographié in situ, photographie qui sera elle-même retravaillée, complétée, puis sérigraphiée ou re-photographiée.
L'enjeu de ce dispositif aux multiples interventions enchâssées consiste, comme il est bien dit dans les interviews et les textes que l'artiste consacre à son travail, à mettre en scène les espaces urbains eux-mêmes, qui sans cette intervention passeraient inaperçus : "... au début il y a un lieu, un lieu de vie sur lequel je souhaite travailler. J'essaie d'en saisir à la fois tout ce qui s'y voit et, dans le même mouvement ce qui ne se voit pas : l'histoire, les souvenirs enfouis, la charge symbolique... Dans ce lieu réel, je viens inscrire un élément de fiction, une image (le plus souvent d'un corps à l'échelle 1). Cette insertion vise à la fois à faire du lieu un espace plastique et à en travailler la mémoire, en révéler, perturber, exacerber la symbolique..." Pignon-Ernest revisite ainsi quelques-uns des lieux hantés par les grandes figures nationales de notre panthéon littéraire : Nerval, Rimbaud, Artaud, Genet (le choix de ces figures n'étant pas non plus anodin). C'est finalement l'inverse du ready-made : au lieu d'extraire un objet de la rue pour l'exposer dans un musée, on expose une oeuvre dans la rue pour révéler quelque chose de la rue elle-même.
Exposant des espaces plutôt que des oeuvres, des processus dynamiques plutôt que des objets fixes, à la croisée de l'affiche, de l'art des rues et du dessin académique, mêlant plusieurs formes d'art (dessin, architecture, sérigraphie, photographie), le processus créatif de Pignon-Ernest est à lui seul l'occasion d'une méditation poétique dont on mesurera toute la fécondité dans les salles du musée Campredon, ou dans les pages de la très belle monographie que voici.
Je mentionne également l'exposition qui lui est consacrée à Avignon, Chapelle Saint Charles, jusqu'au 27 Juillet. Renseignements utiles sur le site officiel de l'artiste.
Exposition "Ernest Pignon-Ernest, Les icônes païennes", Hôtel Campredon - Maison René Char, 4 juillet - 4 octobre 2008.