Les trois mousquetaires est le roman de cape et d'épée par excellence. On y court beaucoup, on se bat énormément, entre deux éclats de rire, quelques tapes dans le dos, des duels, des meurtres, une vengeance terrible. Il a été tant de fois imité, copié, on en trouve si souvent des éléments reproduits ailleurs, sous une forme ou sous une autre, qu'il est toujours revigorant de revenir "à la source", et de s'apercevoir tout ce que la culture ambiante doit à ce type de monument.
Je vais pas m'attarder sur l'histoire que tout le monde connaît. En gros, D'Artagnan est une jeune provincial au coeur pur, intrépide et intelligent. Il monte à Paris, fait la connaissance d'Athos, Porthos, Aramis. Les compères aident la reine à sauver son honneur contre les manigances du cardinal de Richelieu et de la terrible Milady. En toile de fond, la rivalité Louis XIII / Richelieu, le siège de la Rochelle, et puis aussi la fronde, la révolte anglaise, Cromwell et la mort de Charles Ier, la relation Mazarin / Anne d'Autriche. Pour plus d'info, voir ici, là et ici aussi, ou à la rigueur par ici mais surtout lisez le bouquin.
Ce qui est plus important, c'est de regarder l'enchaînement des situations, la relation entre les personnages. Relativement inconsistant et passablement tête à claque, D'Artagnan-le provincial courageux a le mérite de fédérer les trois autres. Isolés dans leurs coins, les 4 hommes végètent dans la solitude et la médiocrité petite-bourgeoise. Réveillés à eux-mêmes par l'audace et l'initiative de d'Artagnan, les amis se transcendent et font des miracles, comme il est joliment dit au début de Vingt ans après.
Par rapport au premier qui raconte une belle histoire et de beaux sentiments, le second tome est nettement plus porté sur la psychologie des personnages, et les épreuves du temps. C'est de très loin, de mon point de vue, le plus intéressant. Plus sombre, plus subtil et plus charpenté. C'est dans Vingt ans après que l'on comprend mieux la psychologie des personnages, les raisons de leurs comportements respectifs.
- Athos = le seigneur charismatique, de haute et vieille noblesse
- Porthos = le bon vivant, l'ami fidèle fort comme un turc, attiré par ce qui brille
- Aramis = le séducteur, élégant et spirituel, intellectuel
Dumas a le chic pour examiner l'effet du temps sur la psychologie de ses personnages. On a déjà pu s'en apercevoir dans le Comte de Monte Cristo. Chacun a beaucoup gagné en épaisseur, en profondeur/ Le lecteur aussi. Et tandis que les trois mousquetaires pourraient passer - à tort - pour de la sous-littérature enfantine, Vingt ans après s'impose d'emblée comme une référence.
Il reste évidemment beaucoup de raisons pour ne pas lire ces fabuleux romans. C'est quand même très long (même si ça se lit d'une traite), et ce n'est pas toujours l'été. Mais on espère avoir suggéré que ce serait bien dommage.