C'est pourtant bien de sculpture qu'il s'agit ici, et de la meilleure qui soit. Les choix de Nouvel mettent en avant deux grands thèmes essentiels : au rez de chaussée la série des expansions et des agrandissements ; au sous-sol les fameuses compressions. Le parcours de l'exposition oscille ainsi au rythme de la dilatation / contraction de la matière. En guise de contrepoint, ou d'éclairage complémentaire, quelques sculptures issues du bestiaire (des animaux type scorpions, poules fabriquées à base de vieux débris métalliques) et dans le jardin, une impressionnante masse de ballots de journaux compressés.
Mais il y a beaucoup plus. D'un point de vue formel, les compressions apportent véritablement un nouveau regard sur la sculpture.
L'art classique nous a habitué à considérer la sculpture comme la mise en forme extérieure d'un bloc de pierre. Le métier d'un sculpteur comme Michel ange consiste à retirer de la matière jusqu'à obtenir un volume dont la forme saisit l'oeil. Les sculptures d'assemblage façon Picasso, ou les sculptures de potier façon Rodin enrichissent la gestuelle initiale ; dans ces cas-là on ajoute, on construit. Mais dans tous les cas, comme Michel Ange dit quelque part à propos de ces esclaves, les formes "émergent" de la matière et apparaissent à la surface du volume.
Au fil des oeuvres, on voit César explorer les éléments clés de la sculpture, les formes, les matières, les gestes (les expansions en mousse de polyuréthane sont particulièrement intéressantes de ce point de vue : ici le geste consiste non pas à tailler ou polir ou graver, mais à verser et contrôler l'écoulement d'une matière que se solidifie au fur et à mesure).
On ressort de cette exposition avec la conviction d'avoir (re)découvert un artiste intensément conceptuel, réfléchi, dont les idées s'incarnent néanmoins dans des oeuvres puissamment matérielles, qui parlent aux sens. Ce n'est pas le moindre des mérites de la sélection de Jean Nouvel, qu'on peut remercier de rendre un si bel hommage à celui qui fut son ami.
César, Une anthologie par Jean Nouvel, Fondation Cartier pour l'art contemporain
Photo site de la Fondation Cartier