Accéra défie les lois du développement produit pharmaceutique

Publié le 09 septembre 2008 par Marianne Dekeyser @IDKIPARL
Parfois résoudre un problème consiste à le contourner...en toute légalité.
C'est ce que vient de faire Accera dans le monde de l'industrie pharmaceutique où le paradigme structurant relève du temps d'approbation nécessaire pour recevoir l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament délivré par la FDA (Food and Drug Administration).
Or les vieux adages ont souvent raison : le temps...c'est de l'argent. Et quand il s'agit de médicaments, l'argent qui doit être mobilisé entre temps se compte en dizaine de millions d'euros ou de dollars.
L'entreprise de biotechnologies spécialisée dans la production de médicaments destinés à traiter les maladies dégénératives du cerveau (Alzheimer, Parkinson) teste donc une nouvelle stratégie de contournement pour accélérer la mise sur le marché de ses médicaments.

Comment ? En contournant la définition d'un médicament donné par la FDA : "un médicament est une substance destinée à diagnostiquer, prévenir, traiter une maladie ou affecter une structure ou une fonction du corps alors qu'un aliment médical est défini comme un aliment administré sous le contrôle d'un médecin pour gérer une maladie par un régime spécifique" et lancer un non-médicament tout aussi efficace mais échappant, de fait, au processus d'agrément de la FDA.
Accéra développe donc un nouvel "aliment médical" (alicament ou neutraceutique ?)
Qui dit alors nouvelle définition de produit, dit nouvelles caractéristiques : la plupart des traitements existants contre la maladie d'Alzheimer se concentrent sur la correction du déficit en acétylcholine (neurotransmetteur) qui est la cause directe des troubles de la mémoire.

La stratégie d'Accera est plutôt de cibler en amont l'incapacité du cerveau à utiliser le glucose comme source d'énergie. Accera ne propose donc pas un traitement curatif mais un traitement palliatif.

Qu'en pensent les spécialistes ? Certains pensent que l'adoption sera difficile auprès des médecins et patients car traiter une maladie aussi sérieuse avec un aliment médical peut paraître ridicule.

D'autres, au contraire, pensent que le découragement vis-à-vis des traitements d'Alzheimer fait qu'une substance même si elle ne présente qu'une faible activité thérapeutique mérite d'être utilisée. Ce d'autant plus qu'elle est inoffensive et peut se coupler sans problèmes avec les médicaments classiques inhibiteurs.


Au-delà des réactions "à chaud", quelques constats et réflexions s'imposent :
  • Ce palliatif l'est également pour le développement d'Accera : fondée en 2001, cette compagnie va démarrer la commercialisation du Ketasyn (son aliment médical) en novembre 2008 alors qu'aucun nouveau médicament contre la maladie d'Alzheimer ne sera disponible avant 2012.
    Elle est actuellement en train de lever 30 millions de dollars de capitaux privés et envisage d'atteindre 200 millions de chiffres d'affaire par an d'ici 4 ans qui permettront de financer la mise sur le marché de traitements contre les maladies de Parkinson et Huntington.
  • Accera ouvre une nouvelle approche du marché de la santé, déjà initiée sur des domaines thérapeutiques moins lourds (choléstérol etc...), elle va devoir communiquer autrement et repositionner son offre vis-vis de toute la chaîne de valeur : prescripteurs, utilisateurs, assurances...Ce sera le prochain point d'achoppement possible pour l'entreprise. Si Accera réussit, il y a de fortes chances pour que ce ne soit pas uniquement la définition produit et usage qui soit modifiée mais la définition du marché des médicaments tout court.
  • Pour aller plus loin sur la futur de la santé et mieux comprendre ce que signifiera "être en bonne santé" dans quelques temps et quelles implications cela va induire en termes d'écosystème santé, je vous recommande de lire le document de l'IFTF :" Global Health Economy".
Et vous, quel est le paradigme incontournable sur votre marché ?
Source : Bulletins-électroniques Etats-Unis