Le Blog Citoyen revient à nouveau sur le fameux fichier Edvige
afin d'amorcer le débat autour de la motivation pouvant conduire le Gouvernement à nous inscrire dans ce fichier.
L'ordre public, voire le désordre public est à l'honneur dans une grande majorité des unes de l'information que ce soit sur Internet,
à la télévision ou dans la presse écrite. Et de manière presque systématique, le sujet constitue une polémique. Cette approche peu consensuelle n'est-elle pas la conséquence de l'ambiguïté de
cette notion dont le caractère aléatoire en fait donc une menace plus ou moins directe et réelle pour son pendant qu'est la liberté individuelle. Il suffit d'ouvrir le journal, de regarder la
télévision ou de surfer sur les pages actualités de n'importe quel moteur de recherche pour s'en convaincre.
Prenez le cas des agents de police municipale qui sont, après la gendarmerie et de la police nationale, autorisés à porter le pistolet
à impulsion électrique, plus prosaïquement connu sous le nom de la marque qui le diffuse « Taser ». Le texte réglementaire n'était pas encore publié au Journal Officiel que la polémique a démarré à la suite de la publication d'un article par le Parisien[1]. « Il est vrai que de nombreuses communes attendaient ce feu vert avec impatience », c'est du moins le sous titre provocateur informatif du journal. En est-on si sûr ? Ce qui est certain c'est que les associations de défense des droits de l'homme sont
particulièrement mobilisées sur cette question. Pourquoi ? Parce que cet équipement est susceptible de menacer nos libertés nous dit-on. Ce pistolet à impulsion électrique est de fait un
équipement destiné au maintien de l'ordre public. Aussi en engageant en mai 2006 une campagne contre l'implantation généralisée du Taser, le Réseau
d'Alerte et d'Intervention pour les Droits de l'Homme (RaidH) avait surtout pour objectif d'ouvrir un débat public sur l'usage de cette arme à électrochocs produite par l'entreprise Taser
international.
Ordre public, débat public, libertés individuelles, toutes ces notions étroitement intriquées. Il n'est donc pas surprenant
aujourd'hui de voir la polémique ressurgir comme de nulle part. C'est certainement là la manifestation épidermique liée à l'absence de dialogue et de débat public. Si, après tout, il faut
convenir que cette arme, qui n'a été classée en quatrième catégorie par un arrêté interministériel du 22 août 2006 que sur la pression du RaidH, constitue une amélioration notable dans le travail
des personnes chargées du maintien de l'ordre public, pourquoi serait-il illégitime de solliciter un débat public ? Cette question n'intéresse-t-elle pas les citoyens ? En quoi la
diffusion de cette arme constitue-t-elle une meilleure garantie du maintien de l'ordre public ? Les avantages que peut apporter cette arme sont-ils en rapport avec les inconvénients et les
risques qu'elle fait peser ? Beaucoup font remarquer que ce dispositif n'est pas le plus pertinent pour recréer des liens de proximité avec une frange de la population qui s'estime
stigmatisée. Notons que si le texte réglementaire à paraître autorise effectivement les agents de police municipale à s'équiper de la sorte, le débat public entre d'une part la volonté d'une
équipe municipale et d'autre part la réception des concitoyens en sera certainement plus précis en raison de la proximité de la décision et parce que le coût de cet équipement se retrouvera
inéluctablement sur votre feuille d'impôt. Il est d'ailleurs significatif que pour l'heure certains villes et municipalités prennent leurs distances en annonçant que leurs agents n'en seront pas
équipés.
Les mêmes discussions fusent autour de cette bien nommée Edvige. « Pourquoi tant de bruit autour d'un fichier qu'il s'agit juste de
moderniser ? » Voilà de manière un peu schématique ce que répond le[2] ministre de l'intérieur face aux critiques que la création de ce fichier
suscite pour l'heure jusqu'à créer des remous au sein de la majorité présidentielle, et obliger le Premier Ministre, François Fillon à rappeler à l'ordre[3]
son ministre de la défense ! Hervé Morin dont on se souvient qu'il n'est pas exactement à l'UMP mais au Nouveau Centre[4]. Voilà ce dernier vilipendé, et
même moqué de manière méchante par sa collègue Michèle Alliot-Marie en disant sur les ondes qu'elle aurait pu le rassurer et qu'il avait son numéro de téléphone. Cette manière de faire, outre
qu'elle caractérise la sécheresse des relations politiques au sein même d'un Gouvernement qui se veut unitaire, sous l'égide d'un Président qui souffre difficilement la contradiction,
dénote d'un autre mépris, celui destiné à l'ensemble des citoyens indirectement visé par cette boutade du ministre de l'intérieur. Et si moi aussi en tant que citoyen je veux être rassuré
sur cette bien nommée Edvige, puis-je téléphoner directement à Madame le ministre de l'intérieur ? Pas sûr ...
Mais revenons-en au motif de la polémique. Voilà un fichier dont on nous dit ici et là qu'il est constitué pour permettre aux
autorités, le Gouvernement en premier lieu, de garantir l'ordre public. Jusque là rien de choquant quand bien même nous n'avons pas encore abordé l'essentiel à savoir la définition de la notion
d'ordre public. On comprend et on accepte que pour préserver les libertés individuelles, il faut pouvoir agir contre ceux qui y portent atteinte en menaçant cet ordre public. Là où notre
compréhension est mise à mal, c'est quand on s'aperçoit que ce texte ne mentionne la motion d'atteinte à l'ordre public que dans le 2° de l'article 1. Mais au 1° de ce même article la motivation
pour récolter lesdites informations est libellée de la manière suivante « sous condition que ces informations soient nécessaires au Gouvernement ou à ses représentants pour l'exercice de
leurs responsabilités » sans qu'à aucun moment cette question de la « nécessité » ne fasse l'objet d'une quelconque définition.
La notion d'ordre public est déjà très incertaine, celle de nécessité est encore plus aléatoire, et on peut en faire ce que l'on veut.
Ceci est d'autant plus inquiétant pour l'Etat de droit dans lequel nous sommes qu'à l'origine le ministre de l'intérieur ne souhaitait pas publier même le décret créant ce fichier et que ce n'est
que sur l'avis circonstancié de la CNIL que cette publication a été faite dans l'objectif d'ouvrir le débat public.
Voilà certainement Alex Türk menacé de trouble à l'ordre public pour avoir souhaité
et ouvert indirectement le débat ...
Il serait intéressant de nous expliquer en quoi le fait d'être homosexuel ou hétérosexuel représente en soi une information nécessaire
à l'exercice des responsabilités du Gouvernement. En quoi le fait d'être malade peut représenter un risque à l'ordre public tel qu'il faille être inscrit sur un fichier ?
[1] « Les polices municipales autorisées à utiliser le Taser » paru le 08
septembre
[2] Je n'ai pas encore bien compris s'il fallait employer l'article au féminin s'agissant d'un(e) ministre femme
ou au contraire s'il fallait garder l'emploi du « le » comme je le fais.
[3] En déplacement à Bayonne, M. Fillon a aussi lancé à son ministre de la Défense : « Ce n'est pas une
caserne, un gouvernement, mais enfin là en l'occurrence, il ne faut pas se laisser aller à de jugements inspirés par une vision très légère des choses. Il y a des réalités dans notre pays qui
sont des réalités fortes en matière de sécurité ». Mais quelles sont ces réalités fortes ? Qu'est-ce qui peut conduire le Gouvernment à connaitre mon orientation sexuelle, mon état
de santé ?
[4] On se souviendra que ce parti, ce Nouveau Centre, n'a été
constitué que pour contrer le frondeur Bayrou et éviter une perte trop grande de l'électorat centriste vers une gauche qui n'a manifestement su en profiter