Acte V : Lettre (l’Etre ?)
« On pardonne tant que l’on aime » François de La Rochefoucault
( http://www.deezer.com/track/961698 )
Un fauteuil au milieu du salon. Un salon au milieu de la nuit. La nuit au milieu du reste…
Toi,
Toi, Toi, cher, si cher Toi…
Me voilà assise à mon bureau, face à la fenêtre, un verre de vin, une cigarette, telle que tu m’imagines, telle que tu me connais. Me voilà assise à mon bureau, face à la fenêtre, les bruits de la rue me reviennent et se mêlent aux notes du piano que j’écoute, tu sais lequel… Me voilà assise à mon bureau, face à la fenêtre, je t’écris, enfin. Je t’écris et mes mains tremblent sur le clavier, les mots que je leurs dicte sont presque trop lourds pour elles. Cela fait si longtemps que je les retiens, ces mots… mais leur heure est venue, je l’ai su ce matin.
Toi, cher, si cher Toi… Si tu savais combien tu me manques… Je le sens dans chacun de mes membres, dans chacune de mes pensées, et mon regard crie ton absence, mon silence dit ma souffrance.
Tu me manques depuis la seconde où tu es parti, c’était un vendredi, tu te souviens ? Je t’avais offert de la musique pour que le voyage te semble moins long, et pour que tu penses à moi, aussi. Pour que tu ne m’oublies pas. J’ignorais alors que tous mes efforts même les plus fous seraient vains.
Que n’ai-je fait pour t’oublier ? Pour remplir le vide que tu m’as laissé. J’ai cherché dans les mots de mes amis, dans les bras de mes amants, entre les grains de sable et dans l’écume des vagues, nulle part je n’ai trouvé l’oubli. Tu es et tu demeures, partout, tout le temps, quoique je fasse, rien ne t’efface.
C’est Toi sur les pavés, quand mes talons si hauts me font vaciller, ces talons sur lesquels j’étais plus grande que toi, tu te souviens ? Tu aimais ça. C’est Toi dans les graines de lin sur le pain que j’achète, au magasin bio que tu m’as fait connaître. C’est Toi dans cette valse de Chopin que j’entends tous les matins et qui met des notes à mon chagrin. C’est Toi sur le canapé, le livre que tu lisais y est resté, comme à t’attendre, ou t’espérer. C’est Toi dans le parfum du café au lait le matin, qu’avant toi je ne buvais pas. C’est Toi dans le bain, quand l’eau me brûle la peau et me fait tourner la tête, quand mes yeux se posent sur le flacon de shampooing que tu as oublié, il vient me rappeler mes souvenirs les plus doux et les plus intenses. C’est Toi par la fenêtre, que je guette, même si je sais que tu ne reviendras pas. C’est Toi depuis deux mois, Toi trop loin de moi, Toi, cher, si cher Toi, rien d’autre que Toi.
Toi que j’aime plus que tout, plus que moi, plus que tu ne le sauras jamais.
Toi qui fût toute ma vie, l’espace d’un instant, un instant en forme de semaine, en forme de rêve, les yeux ouverts. Toi qui a remis chaque chose à sa place en ce monde si dérangé, Toi qui m’as placée en son milieu, heureuse et sereine, enfin. Toi qui m’a autorisée à croire en cet Amour de littérature, Toi qui me l’as offert et qui me l’as fait, cet Amour si beau, si fort et si pur qu’il n’est pas humain mais bien plus. Toi qui m’a donné tant de bonheur qu’une vie de larmes ne saurait l’effacer.
Toi mes rêves, Toi mon Amour, Toi mon autre moi, Toi ma Vie.
Toi qui est parti.
J’ai tant pleuré, j’ai tant souffert. De ton départ, de ton absence, de ton silence. Des mots si durs que tu as pu prononcer. De toutes ces fois où tu m’as rejetée, parce que tu m’as rejetée, moi, ma tendresse, mon amour, tu n’en as pas voulu. Tu as disparu sans disparaître, tu te tapissais dans l’ombre de mes pensées, te montrant parfois la nuit, pour ne pas que je t’oublies. Tu m’as fait tant de mal…
Parce que tu es parti, bien sûr. Mais aussi parce que tu m’as menti. Parce que tu ne m’as pas protégée, jamais. Parce que tu m’as trompée, une femme que tu n’aimais pas, je n’ai jamais compris pourquoi. Parce que tu as gardé le silence quand j’avais tant besoin de tes mots et parce que tu as parlé quand je ne voulais plus t’entendre. Parce que tu as préféré épargner les autres. Parce que tu m’as laissée porter seule la souffrance et le deuil de notre histoire morte. Parce que tu me manques, chaque instant un peu plus.
J’ai vécu dans ton attente, j’ai vécu dans ton souvenir. Maintenant je voudrais vivre, juste vivre, et tant pis si c’est sans toi. Si c’est ce que tu veux, je l’accepte, je ne lutterai pas. Plus. Mais j’ai besoin de ton aide.
Laisse moi. S’il te plaît, je t’en prie, laisse moi.
Ne me dis plus rien, fais moi cadeau du silence dont j’ai besoin pour t’oublier. Essayer. Ne m’écris plus ces mots qui me font pleurer car toi seul sait les rendre si beaux. Ne fais plus un geste vers moi, laisse moi m’en aller dignement, s’il te plaît, je t’en prie. Le courage que j’ai en cet instant ne durera pas.
Un jour, peut-être, nous nous recroiserons. Un jour, peut-être, je viendrai frapper à ta porte, une tasse de café au lait à la main et un sourire aux lèvres, je te demanderai si tu vas bien. Un jour, peut-être, nous irons boire un verre sur une place pavée et nous parlerons comme nous savons si bien le faire.
Un jour, peut-être… Quand le temps aura soulagé nos peines et cicatrisé nos plaies.
Toi… Toi, Toi, cher, si cher Toi…
Tu restes ma plus folle histoire, mon amour le plus doux et le plus violent, mon souvenir de perfection. Ma plus belle cicatrice.
Prends soin de Toi. Fais attention à Toi. Sois heureux.
Mes pensées de ces lignes s’envolent, par la fenêtre, grimpent vers les ciels puis plongent vers toi, elles t’embrassent et te serrent, comme moi.
Au-revoir, Toi.
M.
PS : Je Te pardonne. Pour toujours.
Oui, les rêveurs ont toujours raison…