Dialogue en bord de mer

Par Damien Besançon



Dans Marius (Marcel Pagnol, 1931), à l'entame de la fameuse «Trilogie Marseillaise», Fanny est séduite par ledit Marius qui, lui, rêve de partir en mer. Dans Conte d’été (Eric Rohmer, 1996), le troisième des «Contes des quatre saisons», Gaspard tombe sous le charme de Margot qui envisage, elle, une vie tranquille.
Raisonnons en termes d’ancrage. Dans les années trente, Fanny finit par se sacrifier pour ne plus être l’ancre qui retient le bateau au long cours auquel aspire Marius depuis le port de Marseille. Une soixantaine d’années plus tard, c’est Gaspard qui opte pour un tout autre sacrifice, afin d’éviter d’avoir à choisir entre Margot et deux autres liaisons (Léna et Solène) : il lève l’ancre sur un bac et quitte Dinard pour Saint-Malo et au-delà, afin de saisir une occasion en or de dégoter du bon matériel musical.
Dans ces deux films, les données sont claires dès le départ. Avant que Fanny apprenne sa grossesse (ce qui interviendra dans le second volet, titré Fanny), elle sait déjà que l’avenir de sa relation avec Marius sera ceint de tristesse. Leur amour est impossible, la mer est trop forte. Elle a nourri la terre où ils sont nés. Destin, fatum et malédiction. Du côté de la Bretagne Nord, c’est après avoir constaté toute l’étendue du dillettantisme et de l’irrésolution de Gaspard que Margot lui accorde un baiser. L’une est troublée par le drame – elle aime malgré la faiblesse de l’élu de son cœur face aux éléments – et l’autre, attendrie par le vaudeville – elle aime à cause de la maladresse avec laquelle le garçon sensible aborde sa existence.
Si les aspirations masculines sont un moteur, leur pouvoir de séduction doit pourtant s’adapter à l’histoire de l’émancipation féminine. Et si le cynisme s’installe dans le monde merveilleux de l’amour, on ne saurait dire de quel côté il penche.