Il y a bien longtemps que j'aurais dû vous parler de "Sometimes it snows in April". J'ai hésité. Peur de dire des conneries. Peur que les mots soient simplement superflus face à un tel chef-d'oeuvre. Et puis une petite voix, venue d'un pays où il ne pleut pas, m'a susurré à l'oreille : "Vas-y mon gars ! Lance-toi ! Tu ne dis pas que des conneries...tu en écris aussi !". Engageant...
Vous avez 6'30'' devant vous. Ca tombe bien, c'est justement le temps que dure cette merveille. Mettez-le son un peu plus fort. Approchez-vous de la source sonore. Laissez-vous aller. Ecoutez ça :
Magnifique, non ? C'est la chanson que je choisis invariablement de faire entendre lorsque quelqu'un me soutient froidement, en se basant la plupart du temps sur des clichés, que Prince n'est qu'un nain virevoltant portant chaussures à talonnettes et jabot purpurin (je sais, c'est con comme adjectif, mais vérifiez vous-même, ça veut dire "de couleur pourpre").
"Sometimes It Snows in April" est un miracle d'équilibre et de naturel. Minimale est l'instrumentation, présente est la voix , tour à tour chaleureuse et déchirante, susurrante et lancinante, zwii font les doigts glissant sur les cordes de la guitare...tout cela vous entraîne tout près, là, à l'endroit-même où se fabrique le son.
Prince a perdu son ami, Tracy. Il lui manque et le lui dit. Et c'est bouleversant. "Sometimes it snows in April". Accords ouverts au piano. Guitare acoustique. Pas uniquement des notes mais aussi du silence. C'est si important, le silence. On n'y pense jamais assez quand on écrit une chanson. Voix enveloppante, falsetto et choeurs féminins tout en retenue. Et ce petit miracle harmonique, à 3'10'', qui fait se dresser les poils sur les bras.
Prince est tout simplement un génie. Sa chanson n'est pas moins extraordinaire qu'un lied de Schubert, une mélodie de Fauré ou un air de Mozart. Indispensable.