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J'ai une grande méfiance pour les films et autres oeuvres où des hétéros mettent en scène et représentent des homos. Ce sont en général des ramassis de clichés où une communauté toute entière se trouve réduite à une frange tapageuse de gays noctambules que la connerie médiamétrique a décidé de classer comme « vendeuse ».
Les précautions dont s'entourent l'équipe de « Comme les autres » dans la promotion de leur film, s'excusant presque d'être hétéros, mais précisant « qu'ils avaient consulté beaucoup d'homos » laissaient craindre une sorte de documentaire sur la vie des bêtes.S'ils ne sont des marchands du temple qui profitent de leur situation pour faire un coup de fric, les gays qui s'avancent -ne fût-ce que comme « consultants »- -les pires!- pour dessiner un portrait médiatique de leur catégorie sociale sont en général déchirés entre la mise en avant de leur personne ou de leur mode de vie personnel et la promotion d'une société utopique réduite à un affrontement de bons philes et de méchants phobes.
Par ailleurs, l'actualité de l'homoparentalité, l'un des principaux sujets sociaux du début de ce siècle, au point de devenir un enjeu électoral dans de nombreux pays, offrait une autoroute à un film qui prétendait traiter ce sujet.
Toutes les conditions du documentaire animalier étant réunies, je m'étais résolu à boycotter le film, d'autant plus que le réalisateur, Vincent Garenq, ne s'était jusqu'ici fait un nom que... dans le documentaire! C'était son premier long métrage.
Et finalement, j'ai craqué. Comme les autres, j'ai été voir « Comme les autres » « à titre documentaire »...
Très agréable surprise, sauf que je n'ai pas vu ce que j'étais allé voir, ni même vraiment ce qu'on m'avait « vendu ». Certes, le film tourne autour de l'homoparentalité, et il a le grand mérite d'en poser intelligemment le problème, mais ce sont les marchands qui ont fait de cette situation un objet porteur et commercial. Car derrière cette trame du scénario sont traités avec l'air de rien, mais de façon très subtile, un certain nombre de sujets d'actualité.
Je ne voudrais pas dévoiler certains déclics du film à ceux qui – j'en connais- hésiteraient comme moi et auraient montré plus d'obstination dans leur boycott..., mais...
Commençons par ce qui grince un peu; et c'est la seule concession aux clichés dont on peut accuser les auteurs: l'histoire se déroule dans un milieu aisé, médecin – avocat, superbe loft, beaux-parents avec jolie maison, répondant ainsi à ce mythe de « l'homosexuel à fort pouvoir d'achat » qui a valu tant de déboires à des commerçants naïfs et sans scrupules et même à des organisateurs de salons spécialisés.
Passé cette embûche mineure, j'ai vu un très belle histoire d'amour. Pourquoi ne le dit-on pas davantage dans la promotion du film, tout entière axée sur l'actualité de l'homoparentalité. ?
J'y ai vu un coup de griffe bien aiguisé à la politique impitoyable de l'immigration menée par notre petit vizir.
J'y ai vu un coup de patte bien appuyé à la sottise de l'administration à l'égard des homos et la matérialisation de cette barrière infranchissable qui empêche encore des « gens comme tout le monde » d'être vraiment des « gens comme tout le monde ». On a même droit à un moment à une torpille envoyée avec pertinence dans le système judiciaire, lorsque Philippe, l'avocat, plaide un divorce explosif alors que lui-même se démène avec sa douloureuse séparation.
J'y ai vu une acide description de la « fille à pédé », cette espèce d'égérie dont nos jeunes homos ne peuvent plus se passer, qui font et défont leurs amours comme elles jouent à la poupée Barbie, vivent le plus souvent à leurs crochets, assouvissent leur non-sexualité en regardant la leur, exhibent partout avec affectation le mâle dont elle ne craignent pas la virilité et se retrouvent vieille fille à 40 ans pour n'avoir pas voulu choisir à temps leur mode de vie.J'y ai vu un portrait plutôt cruel des lesbiennes. Ce que les gay mâles ont évité de clichés et travers exacerbés sur eux-mêmes, les cousines se le sont pris en pleine tronche... Les consultants homo du réalisateur devaient être masculins, et fier de l'être!
Mais enfin, enfin, malgré cette coloration « profession libérale-cadre supérieur », j'y ai vu la description d'un couple d'hommes parfaitement intégrés au contexte social, -combien de parents auraient la chair de poule s'ils savaient que le médecin pédiatre auquel ils confient leur bout de chou est homosexuel-, couple qui, même s'il semble habiter Belleville la bigarrée avec un détachement d'astronaute débarquant sur Mars, ne met jamais les pieds dans le milieu, s'habille sans signe extérieur de tantisme, éprouve de vrais sentiments, simples et profonds, et plaide par son humanité et son humanisme pour une intégration des gays par l'indifférence , et non par cette charité qu'est le droit à la différence.
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