Martyrs – Tout ca pour ca !

Par Bebealien

En France, on aime dire qu’on est des artistes. Il faut entendre par là qu’on se pare de fierté pour dire que l’on compense les gros moyens des américains par une intellectualisation poussée, quel que soit le domaine artistique. Y compris pour le cinéma. Alors quand un certain nombre de critiques tombent en adoration devant Martyrs, présenté comme film ultra déviant (il a failli être interdit, faut-il le rappeler) et jusqu’au-boutiste, on se dit qu’on tient peut être enfin un film capable d’en démontrer aux ricains…

Martyrs – Indigne d’une série Z

Années 70. Lucie, une petite fille, s’échappe d’une usine désaffectée et est recueillie par un orphelinat. Elle a été clairement maltraitée et porte de nombreuses séquelles physiques sur le corps. 15 ans plus tard. Une famille lambda. Le pape ouvre la porte et se trouve nez à nez avec Lucie, un fusil de chasse à la main. Elle tire. Persuadée d’avoir retrouvé ses bourreaux, elle cherche à se venger. Lucie est elle folle ou les apparences sont elles trompeuses ?

Une affiche il est vraie plutôt jolie et sobre

Martyrs est sans doute la déception de l’année. Dit comme ca en préambule, c’est vrai que ca casse un peu le suspens. Mais autant y aller franco et expliquer pourquoi. Ce film, réalisé par Pascal Laugier, déjà responsable du très joli mais très chiant Saint-Ange, se veut le parangon de la violence jusqu’au-boutiste, un peu dans la lignée des films énervés des années 70, ou plus récemment de A l’Intérieur (lui aussi gore mais raté).

Alors certes, vouloir cesser d’aseptiser la violence pour la balancer de manière frontale à la figure du spectateur est un parti pris intéressant. D’autres films comme John Rambo y ont eu recours pour dénoncer l’horreur de la guerre. Le procédé permet en plus de ravir les fans de gore en déversant des litres de sang et en mettant de la tripaille à vif. Ca tombe bien, j’aime ca. Mais se contenter d’étaler des scènes sanguinolentes ne suffit pas. Il faut porter le tout par un script permettant de justifier ces atrocités, sinon on tombe dans le torture porn sans intérêt type Guinea Pig (vrai-faux film de torture, sans scénario, se contenant de jouer pendant une heure et demie avec une victime).

Lucie (Mylène Jampanoï) se venge. Certains ont trouvé son interprétation très bonne. Mouaip. Pas mal, sans plus.

Le problème est que si le contrat gore est plutôt bien rempli, le scénario est indigne. Et pourtant ca démarrait bien. La scène d’intro avec la jeune Lucie courant sur la route est réussie. La présentation de la petite famille, bien qu’ultra « sitcom-ienne » et donc tombant dans la caricature, permet de bien faire le contrepoids avant le déchaînement de violence qui suit. Le procédé est un peu gros mais ca passe encore.

Mais alors la suite, le pourquoi du comment de tout ca, semble utiliser des filons que seule la série Z la plus mauvaise oserait employer. Et dire que les critiques qui soutiennent Martyrs conchient Hostel… Pourtant les films d’Eli Roth, s’ils ne sont pas subtils expliquent au moins leur violence et se permettent au moins de faire une critique pas très fine mais réelle du capitalisme.

Ana (Morjana Alaoui), amie de Lucie qui va l’accompagner bien malgré elle. Certains voudraient lui donner un César. Mouaip. Pas mal. Sans plus.

Là non. Attention ce paragraphe contient des spoilers. Ne le lisez pas si vous ne voulez pas connaître la fin du film. En se basant sur du mysticisme de bas étage, et sur sa secte de puissants fanatiques religieux cherchant à créer un martyr pour voir s’il existe une vie après la mort, j’ai eu l’impression de me faire flouer comme spectateur. Tout ca pour ca ! A tel point que la deuxième partie du film m’a parue inutilement longue, que la fin sensée être belle et gore à la fois ma donner envie de me marrer…

Je suis sorti de la salle de mauvais poil. Pour deux raisons. D’abord comme spectateur, j’ai l’impression qu’on m’a vendu un Direct to Video de bas-étage (certes avec une belle image, mais avec un mauvais scénar) comme un film de qualité. Ensuite, lorsque je réfléchis à la décision de notre ministre de la Culture d’interdire le film, j’ai franchement envie de rire. Ce film devrait en effet être interdit, non pas pour la violence qu’il contient, mais pour sa nullité.

Lucie est hystérique et on la comprend. Comment le script peut il être aussi raté ?

Ce n’est pas la première fois en France que des réalisateurs à l’égo sur-développé pensent accoucher d’un film novateur et fort. On est même des spécialistes du sujet. Mais franchement, tous ces mecs au melon qui ne passe plus les portes feraient mieux d’aller regarder le travail de faiseurs honnêtes comme Alexandre Aja qui en quelques films (Haute Tension, La Colline à des Yeux, et bientôt Mirrors) prouve qu’on peut très bien faire des films efficaces si on arrête de se prétendre auteur…

C’est dommage, je suis en général d’accord avec les avis émis dans Mad Movies, mais parfois je ne les comprends pas du tout. Encenser un tel film me dépasse. Et franchement, Hostel était vraiment mieux.