Les sciences peuvent se définir par leur objet : le vivant, les nombres, la matière, l’énergie. Mais la philosophie ? Tout ou presque lui paraît digne de réflexion ; n’est-elle alors la science de rien ?
On la définit parfois comme la connaissance des principes. Non pas science d’objets, mais science de principes. Ce qui veut dire qu’elle n’apprend rien de nouveau, mais clarifie les conditions du savoir existant. Elle ne fait pas connaître davantage, elle approfondit le point de départ au lieu de chercher sans cesse de nouvelles conséquences.
Pour faire de la géométrie, il n’est pas nécessaire de s’interroger sur la capacité de l’esprit humain à penser l’universel dans un tracé qui est toujours singulier. De même, lors d’une expérience de laboratoire, il n’est pas nécessaire de comprendre pourquoi il faut supposer la conservation de la matière et nier que rien ne soit créé ou annihilé.
Or c’est là ce qui intéresse le philosophe. Non pas les conséquences infiniment nombreuses et utiles que l’on tire de ces principes, mais ces principes eux-mêmes ; ce qu’ils nous enseignent sur l’esprit humain en tant que tel. Ce retour à la source du savoir, retour des objets vers le sujet, caractérise la philosophie.
Ainsi la philosophie a pour objet les principes en vertu desquels les objets peuvent être connus. Elle-même n’a donc aucun principe qu’elle ne doive aussitôt interroger. Sans principes, au sens où sa méthode consiste à les examiner tous, elle ne saurait par conséquent être assimilée à une science.
Disons que la science des principes est la sagesse de la science.