Cunégonde en Antarctique : 12

Publié le 08 septembre 2008 par Porky

Scène 11

Les mêmes, moins l’ours

(La Grande Ourse retombe sur son siège, l’air désespéré. Un silence. On se regarde.)

LA GRANDE OURSE (sourdement)

Moi qui croyais hélas que vous me sauveriez

Et que ma bonne étoile enfin là vous seriez,

A présent, je le sais : par votre négligence

Vous venez d’achever le trône et la régence.

(Tout le monde baisse la tête, y compris Cunégonde)

Mais je me montre injuste et j’en suis désolée :

Vous êtes l’instrument et non pas la pensée.

CUNEGONDE

Je reconnais la faute et vous promet Madame

Que nous saurons contrer ces attaques infâmes.

Nous sommes coupables, nous voulons réparer

Ce que notre imprudence vient de déchaîner.

ROSIE

Avant notre arrivée, déjà la situation

Semblait désespérée. Ce n’est pas notre action

Qui a tout déclenché.

FIFI

     Es-tu donc enragée ?

N’as-tu donc pas compris que nous sommes piégés ?

Et que sans cette erreur due à ta confusion,

Nous n’eussions pas donné une telle occasion ?

LANLAN

L’ennemi n’attendait que le moment propice

Pour acculer la reine au bord du précipice.

L’enlèvement d’Arielle et de mon égérie

Lui permet de montrer toute sa barbarie.

CUNEGONDE

Je veux croire, Rosie, que selon ta coutume

Tu parlas sans penser. Et maintenant assume.

(Rosie se jette encore à genoux devant La Grande Ourse mais personne ne prend garde à elle.)

FIFI (Bas à Lanlan, montrant Rosie)

Dans la diplomatie elle est catastrophique.

LANLAN (idem)

Elle n’est vraiment pas mieux au plan philosophique.

FIFI (idem)

Et pourtant l’argument n’est pas tout à fait faux.

LANLAN (idem)

C’est un fait, mon ami. Mais le dit-on tout haut ?

FIFI (idem)

La vraie coupable au fond, n’est-ce pas la Madone ?

LANLAN (idem)

Aux grosses conneries bien sûr elle s’abonne.

Elle n’a jamais su rester un peu tranquille

Et prend ce qu’elle fait pour acte d’évangile.

CUNEGONDE

Quand vous aurez fini toutes vos messes basses,

Vous m’aiderez peut-être à réparer la casse.

(Pendant ce temps, Rosie s’est relevée et époussette son manteau puis s’essuie la figure.)

Avez-vous une idée ? Evidemment que non.

Vrai, quelle utilité !

ROSIE (Epouvantée, se frottant le cou)

   J’ai un triple menton !

CUNEGONDE

Ce n’est pas d’aujourd’hui. A ton sens esthétique,

Si tu joignais, Rosie, un peu de sens pratique ?

ROSIE

Je fais ce que je peux, et ne puis pas grand-chose.

Je sature vraiment.

FIFI (goguenard)

   Est-ce donc l’overdose ?

LA GRANDE OURSE

Vous êtes fatigués, même vous Cunégonde.

Il faut vous reposer. Cette nuit une ronde

Nous protégera bien des assauts insensés

Que pourrait notre sœur sur la cour envoyer.

ROSIE (humblement)

Maintenant j’ai compris comment expier ma faute :

Mais je crains de manquer une tâche si haute

Et m’attirer ainsi, de mon cher Président,

Des reproches sanglants et des mots très cuisants.

CUNEGONDE

Qu’as-tu donc inventé ? Parle.

FIFI (A Lanlan)

   On s’en balance.

A coup sûr ce tromblon retombé en enfance

Va nous prendre la tête avec un long discours.

LANLAN (se tournant de tous côtés)

Il n’y a pas par là une issue de secours ?

ROSIE (Inspirée)

O Cunégonde aimée, entends donc mes paroles :

Je jure sur mon âme et sur mes casseroles,

Afin de flageller mon cerveau si rassis

Et d’acquérir enfin quelques miettes d’esprit,

D’arriver au palais, telle une passerose,

Avec mes deux grands pieds dans deux beaux sabots roses.

CUNEGONDE (Estomaquée, tandis que Fifi et Lanlan pouffent)

Alors là, c’est un fait, le scoop est étonnant.

LANLAN (mort de rire)

Elle aura l’air de quoi ?

LA GRANDE OURSE (épouvantée)

   Mais c’est horripilant !

CUNEGONDE

Et la chose, c’est sûr, fera un grand scandale.

Garde donc, je te prie, tes anciennes sandales.

FIFI

Et c’est très singulier. Changes-tu donc de camp ?

Tu trahis pour la rose et cela sur-le-champ ?

LANLAN (Affolé)

Ah non, vous la gardez ! Ca suffit d’une pieuvre !

De plus, je ne sais pas comment ça se manœuvre.

Et j’ai déjà assez d’ennemis comme ça,

Sans ajouter en plus un si grand échalas.

ROSIE (S’entêtant)

Au conseil du palais, je viendrai en sabots

Que cela plaise ou non à ces affreux nabots.

LA GRANDE OURSE

Reprenons nos esprits. Il se fait vraiment tard.

Nous devons reposer.

FIFI (A Cunégonde, montrant Rosie)

   Faites taire ce gros lard.

CUNEGONDE

Son altesse a raison. Allons tous nous coucher

Car il faudra demain très tôt se réveiller.

Nous devons tous ensemble un bon plan mettre en place

Afin de dérouter une sœur si coriace.

(La Grande Ourse se lève et sort majestueusement, suivie de Cunégonde et de sa bande.)

 (A suivre)