Gueules de Terriens, c’est d’abord l’histoire d’une amitié de quinze ans. L’aboutissement d’une rencontre en 92 à Villeurbanne, entre deux travailleurs sociaux, Wahid Chaib et Laurent Benitah, qui décident de partager leur passion pour la musique et les rapports humains en fondant le groupe Zen Zila.
Une complicité qui engendrera une discographie régulière : Le Mélange sans Appel (2000), 2 Pull-Overs et 1 Vieux Costard (2003), Mais où on va comme ça (2005).
Leur style est singulier, leur mélange pluriel. Un métissage éclatant de chanson française, de rock, et de musique orientale. Un bouillon de culture savoureux qui n’entre dans aucun cadre préfabriqué. Logique alors de poser sur ce quatrième album un titre qui leur va comme un gant : Gueules de Terriens : « Parce qu’une gueule, par définition, c’est pas standard », sourit Wahid, le chanteur. Un clin d’œil à la « gueule de Métèque » de Moustaki, pour un disque joyeusement atypique et coloré, qui de l’avis de tous, est celui qui ressemble le plus au groupe.
Sur ce nouvel album, Zen Zila se plaît à faire cohabiter les extrêmes: le répertoire est varié mais cohérent, dense et dansant, intime mais universel. Les chansons y sont délibérément acoustiques, preuves qu’on peut jouer rock sans forcément brancher les guitares.
Plus qu’un disque supplémentaire de Zen Zila, Gueules de Terriens représente surtout la somme des précédents, et boucle la boucle à de nombreux niveaux. « L’idée de départ était simple : travailler avec des gens qui nous aiment », explique Laurent. C’est ainsi Erwin Autrique, producteur de leur premier album, qui est revenu de bon coeur s’atteler à la réalisation de Gueules de Terriens. La famille, quoi. La joie de se retrouver, et le plaisir de jouer, qui transpirent tout au long du disque. Plaisir du partage aussi, avec l’équipe de musiciens qui accompagne le duo au fil des morceaux. Les anciens piliers du groupe stéphanois Dézoriental : Alawa Idir, Antony Gatta et Jean-Luc Frappal, leur fidèle violoniste Diane Delaunay. Un sacré quatuor, complété par l’harmoniciste belge surdoué Steven Debruyn.
Résultat : des harmonies créées en harmonie. « Tout s’est fait dans une grande démocratie d’écoute, de façon fluide et très naturelle», se souvient Laurent.
Tout en prenant le temps du recul, Zen Zila a su en effet laisser de la place à l’instinct et la spontanéité. Une chanson comme La Rumeur, a ainsi été enregistrée presque telle quelle, pour en conserver le feeling. Et puis il y a la rencontre avec Rachid Taha, pour l’ensoleillé Galouli. Une brillante idée pour les oreilles. Un rêve de gosses pour Zen Zila, quand on connaît l’importance de l’iconique Taha dans leur parcours musical. « Mon premier possible », résume Wahid, pour exprimer la révélation lumineuse pour ces deux adolescents que fût Carte de Séjour, premier groupe avant-gardiste de Rachid Taha, qui mélangeait rock et langue arabe.
Sur Gueules de Terriens, Zen Zila boucle aussi la boucle de thèmes qui lui sont chers. La famille bien sûr : Elle kiffe revient finir un triptyque entamé dès le premier album. Et puis le déracinement, encore et toujours. Sur leur deuxième album planait cette phrase magnifique : « Si tu ne sais pas où tu vas, rappelle toi d’où tu viens ». Cette fois, c’est la chanson 17 ans, qui évoque le retour en Algérie de Wahid : une « belle claque positive ».
Et puis on trouve sur ce dernier album la griffe Zen Zila, ces hymnes à la tolérance, toujours piqués d’ironie. Chui Français bien sûr, ou encore J’vole des mots, titre sur l’importance de l’écriture comme thérapie. Comme le chante Wahid dans L’Essentiel : « J’ fais dans le festif corrosif ». Une jolie définition d’un discours qui, s’il aime la nostalgie, ne tombe jamais dans le misérabilisme. Une poésie du quotidien à l’optimisme forcené, écrites par des types toujours solidement ancrés dans la réalité. Et Wahid de conclure : « Il y a des gamins qui sont à l’écoute, et qui ont envie d’entendre des histoires qui finissent bien ». Celle de Zen Zila, des amis de 15 ans, par exemple.
En concert le 5 novembre à la Maroquinerie