Demba et Coumba dans le ventre du train

Publié le 07 septembre 2008 par Bababe

L’image qui s’imposa le mieux, dans son esprit, était celle d’un enfant retrouvant l’odeur et la chaleur de sa mère.

Au quotidien

Parcourant le ventre d’un train, à la recherche d’une place disponible, Wayli salua instinctivement, en langue peule, un jeune voyageur qu’elle venait de découvrir. Comme ébahi, celui-ci répondit dans la même langue, avant d’ajouter : « banndam*, comment as-tu deviné que je suis peul ? ». « Á tes traits et à ton sang », répondit Wayli, en souriant.

Le jeune voyageur était visiblement heureux et surpris d’entendre quelqu’un le saluer, de si bon matin, dans sa langue maternelle, dans un train qui, jusqu’à cet instant, était pour lui synonyme d’indifférence. Il devait dire un peu plus tard, que dans cet univers étrange, il lui fallait livrer un combat de chaque instant contre sa propre éducation, et se retenir de saluer les gens, car il avait trop d’orgueil pour supporter leur indifférence ou leur silence. Il éprouvait à chaque fois le sentiment d’être ridicule dans une société où le mot « bonjour » semblait désormais désuet.

Wayli se souvint que quelques heures auparavant, elle avait entendu un humoriste connu déclarer que le mot gentil étant devenu désuet, sa bande de copains et lui avaient, eux, décidé d’être gentils.

Au bout de quelques salutations d’usage, le jeune voyageur, ragaillardi, demanda à Wayli : « De quel pays d’Afrique viens-tu ? » Quand Wayli lui répondit, il se trouva que ce pays était aussi le sien. Et quand elle lui dit quel était son village, le premier nom que le voyageur cita, fut, curieusement, celui de l’oncle paternel de Wayli. Ils n’avaient pas seulement des connaissances communes, ils découvrirent également qu’ils portaient le même patronyme.

Au cours de ces retrouvailles presque familiales, Wayli eut le temps d’apprendre que son jeune compagnon était informaticien, qu’il vivait en France depuis huit ou neuf ans ; qu’il était tiraillée entre une éducation féodale et une tendance à la rébellion… Elle lui glissa l’adresse du « foyer » des Peuls dans le web. Le voyageur fut heureux de découvrir l’existence de ce site : « je le visiterai, ce foyer. Peut-être qu’il me donnera de quoi alimenter le combat que se livrent en moi le féodal et le rebelle ».

En descendant du train, le voyageur dit son prénom sa compagne de train, et lui demanda quel était le sien. Elle le lui dit. Il eut un large sourire ; sa sœur aînée s’appelait aussi Wayli..

Restée seule dans le ventre du train, Wayli rêvassa un court moment avant d’arriver à destination. Elle repensa à cette rencontre. L’image qui s’imposa le mieux, dans son esprit, était celle d’un enfant retrouvant l’odeur et la chaleur de sa mère restée longtemps absente.

Dianga Ba

  • Banndan : parente/parent