Deux jours en Sicile ressemblent à l’infinité du bonheur. Mais il n’en reste pas moins que c’est trop court.
Nous souhaitions accompagner nos partenaires de la Route des Phéniciens dans leur démarche vers les jeunes en organisant un stage qui permette à tous ceux qui veulent mettre en place des rencontres de citoyenneté à partir du thème dont ils sont responsables. Malheureusement nous n’avons pas reçu suffisamment d’inscriptions. La Sicile ne fait certainement pas assez de publicité pour convaincre les visiteurs. Ou bien alors l’image maffieuse reste toujours présente dans les têtes. Pourtant les fins de semaine du mois de mai en Sicile sont parfaites : température agréable, prix très compétitifs, bleu et soleil comme dans les publicités et nature en parfaite floraison. Il est vrai que le passage par la Sicile nécessite un long voyage, à l’extrême sud de l’Europe, mais je dois dire que la découverte des paysages siciliens reste à faire, en dehors des clichiers côtiers.Bref !
Mon but n’était finalement pas la visite, mais la rencontre avec tous les partenaires du projet de la route des vignobles dont le dernier rendez-vous s’était tenu fin février dans le Tarn.Depuis un an, cet itinéraire a élu domicile – je veux dire son siège – dans une belle maison patricienne de Sambuca di Sicilia, l’ancienne Zabu musulmane, située en Terre Sicane et dans le Parc du Guépard. Qui peut faire mieux en effet ? Nous sommes situés à quelques kilomètres de Santa Margherita Belice, dans l’ambiance du roman.
Il y aura encore du travail, mais ces itinéraires qui portent sur des productions fondamentales – la Route de l’Olivier est dans ce cas - et qui souhaitent non pas arbouter une réaction contre la mondialisation, mais provoquer une relecture des origines, sont en même temps ceux qui se prêtent le mieux à faire connaître une dimension fondamentale du patrimoine immatériel : la cuisine.
En préparation, un autre stage qui ne semble pas recueillir plus de succès et qui se nomme « A Tavola con i Fenici », à table avec les Phéniciens, cherche à montrer que cette dimension est inhérente à chaque itinéraire.
Depuis que je fréquente la Sicile, je n’ai fait que me convaincre du caractère unique des pâtisseries de l’île qui, à elles seules reflètent parfaitement le mélange de cruauté et de piété, de paganisme et de croyance, comme de rencontre avec les mondes arabe et byzantin.
A Sambuca, je donnerai à qui veut l’adresse de la patisserie où l’on trouve les Minni di Vergine dont la photographie traduit sans autres explications le nom générique. Je lis, mais je devrais tout de même vérifier, que cette merveille serait née en 1725 à l’occasion d’un mariage noble. Il s’agirait du souhait de Donna Francesca Reggio, devenue Marquise di Sambuca qui aurait voulu le meilleur et le plus surprenant pour le mariage de son fils Pietro, en confiant le travail à Sœur Virginia Casale di Rocca Menna. La sœur aurait avoué s’être inspirée de la forme des collines qu’elle apercevait de la fenêtre de sa cellule. Vrai ou pas, la sensualité de l’histoire habite tant la forme que le fond.
Le Prince Salina, autrement dit le Guépard commente la vision et le goût de ce qui s’offre encore à sa splendeur de fin de règne en alignements superbes pour les festivités : « parfaits rosei, parfaits sciampagna, parfaits bigi che si sfaldavano scricchiolando quando la spatola li divideva, sviolinature in maggiore delle amarene candite, timbri aciduli degli ananas gialli, e « trinfi della Gola » col verde opaco dei loro pistachi macinati, impudiche « Paste delle Vergini ». Don Fabrizio ajoute « Come mai il Santo Uffizio, quando lo poteva non pensò a proibire questi dolci ? »
Limite du pèché et limite de l’adoration, mais sans prohibition. Plusieurs saintes martyrisées portent ainsi leur poitrine sur un plateau, sainte Barbe, sainte Agathe. Mais il ne s’agit pas ici de martyre, s’il est pourtant question de péchés.
De la farine, du sucre, du beurre ou mieux encore du lard, jaune et blanc d’œuf (pour la pâte), de la ricotta de brebis tamisée, des fruits confis (cela dépend des patissiers, on trouve aussi des figues), des pépites de chocolat, pour la farce et pour le glaçage, un voile de sucre glace, du jus de citron et une cuillère de lait.
Je pourrais bien entendu évoquer des variations sur thème, par exemple l’idée d’y introduire de la vanille, de la canelle ou encore des fleurs d’œillets, mais je laisse chacun imaginer, et regretter que ce dessert ne voyage pas vraiment.
Si vous ne connaissez pas non plus les cannoli remplis de ricotta crémeuse, faits de miel et d’amandes, fruits d’un harem, ou la cassata, baroque composition pascale, devenue emblématique de l’interculturalité puisque à l’origine « Quas’at » arabe : Pan di Spagna, ricotta, fruits confis… et les torrone, proches de leurs cousins espagnols pour toutes les heures de la journée, pour toutes les occasions et pour toutes les fortunes, alors venez!
On ne peut oublier en effet que dès fin janvier les amandiers sont en fleurs. Une autre occasion de fête.
Enfin, mais j’ai réservé le must pour la fin, allez à Erice chez Maria Grammatico. Elle a bien sûr son site web et les Américains la connaisent mieux encore que les Européens, télévision aidant.
Mustaccioli, marmellate, agneaux de Pâques, dolci di badia, frutta marturana.
La demie-heure où je l’ai écoutée il y a trois ans, valait tous les discours des ministres.
Cette femme énergétique qui approche les septantes, est passée, elle aussi, par le couvent. Elle en a gardé les recettes, les savoir faire et un grand humour.
Mais un jour peut-être je parlerai des patiseries des sœurs cisterciennes…et des autres ordres. Les itinéraires sont pleins d’odeurs et de goûts.