70ème semaine de Sarkofrance... présidentielle ou ridicule ?

Publié le 06 septembre 2008 par Juan


70 semaines déjà depuis l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République.
70 semaines et Nicolas Sarkozy s'est révélé exemplaire de ce qu'il est, de ce qu'il fait.
Quand Nicolas Sarkozy négocie avec Poutine
Il serait facile, aisé, discutable d'attribuer au président français l'échec de la crise russo-géorgienne: la Géorgie attaque (défensivement ?) son gros voisin russe, un 7 août. Ce dernier riposte par salves, d'abord en envahissant l'encombrant voisin, puis en reconnaissant la déclaration d'indépendance des séparatistes pro-russes de deux provinces géorgiennes. Depuis le 1er jour de cette crise, la réaction de Nicolas Sarkozy est conforme au personnage: rapide, impulsive, maladroite. Ainsi, le lendemain de l'attaque géorgienne, il se fait photographier avec un Poutine souriant embrassant son propre fils Louis. Il se précipite le 12 août à Moscou pour claironner la conclusion d'un accord de paix devant les caméras de télévision. Mais on apprend 4 jours plus tard qu'il avait cédé l'occupation russe du territoire géorgien, à l'exception des zones urbaines. Le couple Medvedev-Poutine continue sa provocation. Sarkozy convoque alors un Conseil Européen extra-ordinaire, lundi dernier, pour convaincre les plus réticents de laisser deux mois supplémentaires à la Russie pour se retirer totalement de Géorgie. Les autres chefs d'Etat acceptent, mais à condition de venir avec l'agité président français lundi prochain à Moscou pour porter ces doléances.
Agitation et fanfaronades ? Après le drame afghan, certains commentateurs y vu une "présidentialisation" accélérée de Nicolas Sarkozy (n'est-ce pas Christophe Barbier ?). "70 semaines après une élection, c'est pas trop tôt !" pourrait-on s'exclamer si l'on croyait à l'argument...
Quand Nicolas Sarkozy veut casser la gauche.
Il y a 10 jours, on a cru retrouver l'habile politicien, apte à cliver le paysage politique, dérouter la droite en prenant la gauche à défaut. Il annonce "sa" réforme sociale, le Revenu de Solidarité Active. Mais les critiques contre les failles du RSA se préparent, de la trappe à précarité au prétexte social d'une politique difficile. La "majorité présidentielle" (*) s'énerve, et attaque . Puis le coup de grâce arrive : François Fillon avoue que la nouvelle taxe sur certains revenus du capital ne concernera que les classes moyennes, bouclier fiscal oblige. Martin Hirsch avait d'autres idées. Et Christine "Lagaffe" Lagarde crache le morceau en début de semaine (Réformer l'ISF ? «C'est une possibilité. On en débattra sans doute pendant la discussion budgétaire»), aussitôt contre-dite par son propre premier ministre. Vous souvenez-nous de mesures majeures, prometteuses de consensus national, aussi rapidement sabotées ?
Impréparation ou incompétence ? L'équipe au pouvoir ne sait-elle plus que transformer l'or en plomb ?
Quand Sarkozy laisse parler ses pulsions
La foudre du ridicule a frappé la Sarkofrance le week-end dernier. Enervé, nous dit-on, que l'un des leaders nationalistes corses, Jean-Guy Talamoni, ait pu fouler le jardin de son ami acteur Christian Clavier, Nicolas Sarkozy a fait limoger le coordinateur des forces de police en Corse. Un blogueur nous conseille d'attendre d'en savoir davantage avant de crier au scandale. Il y a un an, l'attentat à la roquette contre une gendarmerie n'avait pas déclenché une telle ire présidentielle. Le gazon de Clavier vaut il plus qu'un poste de gendarmes ?
"Arrêtez de faire du cinéma" a demandé Michèle Alliot-Marie aux journalistes à la sortie du Conseil des Ministres mercredi 3 septembre. Elle a raison. Son président devrait nous sortir de ce film de série B. Il s'est trouvé tout de même un journaliste inconvenant pour lui demander, à Damas lors de sa visite syrienne, sa position sur l'affaire: "Je n'ai pas besoin (d'intervenir) parce que j'ai un ministre de l'Intérieur qui a fait son travail." Merci Michèle Alliot-Marie ! Ecouter Luc Chatel, le porte-parole du gouvernement qui s'est doté d'un nouveau blog personnel, est également un délice.
Moins drôle, mais tout aussi ridicule, un manifestant qui brandissait une pancarte "casse-toi pov' con", l'insulte prononcée par le Président lui-même à l'encontre d'un visiteur du Salon de l'Agriculture en février dernier, est poursuivi pour "offense au chef de l'Etat." Il va comparaître le 23 octobre prochain devant le tribunal correctionnel de Laval.
Impulsion et démesure ? La Sarkofrance est inégale, fortes contre les faibles, indulgentes avec les puissants.
Quand Sarkozy veut rebondir à Damas
Le voyage en Syrie du président français était prévu de longue date. Il était l'une des contre-parties accordées par Nicolas Sarkozy à la normalisation de la Syrie. Sarkozy souhaite décrocher Bachar El Assad de son allié iranien, et replacer la France au cœur du processus de paix au Proche Orient. Très concrètement, cette échappée syrienne lui permet de sortir d'un bourbier "corsico-bling bling." Pourtant, ce voyage suscite des interrogrations. Sarkozy fait cavalier seul. En plaine présidence française de l'Union européenne, il n'est à Damas qu'au nom de la France, (et non pas de l'Europe). Ensuite, cette "real-politik" produit elle des résultats ?On l'a vu avec la Russie. 15 mois de réchauffement des relations avec Poutine n'ont servi à rien dans le conflit géorgien. De surcroît, pourquoi la Syrie ferait-elle la paix avec Israël et se priverait-elle de son allié iranien ? Les États-Unis ont maintenu la Syrie dans leur liste des Etats terroristes. Et la Syrie elle-même souhaite se doter de l'arme nucléaire. Enfin, pourquoi donc Sarkozy parle-t-il si rareement des droits de l'homme et des libertés publiques avec ces dictatures ?
Agitation, fanfaronades, impréparation, incompétence, impulsion et démesure ?
Suis-je dns l'offense au chef de l'Etat, l'anti-sarkozysme primaire ou le constat des mes concitoyens sur une présidence essoufflée ?
Ami Sarkozyste, où es-tu ?
Post-Scriptum : au fait, c'est confirmé. La récession menace. Fillon espère une croissance du PIB d'au moins 1%... Espérons que Christine Lagarde ait été mise au courant cette fois-ci. En début de semaine, elle expliquait encore que le gouvernement faisait "tout pour que la croissance soit d'au moins 2,5%".
(*) Curieux concept que celui-ci, utilisé à gauche comme à droite. L'expression permet au président en place, même au plus profond des trous d'impopularité, de rappeler qu'un jour lointain il a été majoritaire dans l'opinion.