95° La « people politique »
L’injure est l’argument de ceux qui n’ont rien à dire.
Sacha Guitry.
La censure est un couteau dont le manche est aussi coupant que la lame,
l’autocensure une arme de collabo.
Pierre Mendès France.
Etre de gauche, c’est se poser des questions dont on n’a pas les réponses,
Etre de droite, c’est apporter des réponses à des question qu’on ne s’est pas posé.
Pierre Dac
La Liberté ne s’use que si on ne s’en sert pas.
Boris Vian.
Quel homme de gauche ne s’est jamais fait traiter de « gauchiste » ?
Avez-vous remarqué que le mot « droitiste » n’existe pas ? Y aurait-il comme une légitimité à être de droite alors qu’être de gauche serait une sorte de dérive ?
Cette situation qui a commencé sous le gaullisme resterait dans des limites de débat républicain de bistrot si la droite ne s’était pas mis en tête de « se décomplexer »…
Tiens, elle était complexée ?
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Depuis ce surprenant « épanouissement », les injures pleuvent à qui mieux mieux sur le bon peuple de gauche.
Gauchiste, ça ne suffit plus. Les gens de gauche sont maintenant des assistés, des laxistes, des « qui ne savent pas se lever le matin », des racailles, ils sont du côté des délinquants et des voyous. On veut « liquider » leur histoire et leurs avancées. On vient d’entendre ça dans la campagne des présidentielles. Après mai 68, ils s’attaqueront à l’héritage de la Commune et au front populaire ?
La réécriture de l’histoire est en marche, comme dans George Orwell. La censure se réinstaure en se travestissant, la propagande se perfectionne.
Dans les bonnes dictatures archaïques, on met les intellectuels en prison avant qu’ils n’écrivent. Ou dès leurs premiers articles.
Quand ça se voit trop, on persécute les journaux. Ce que le régime sarkozien est en train d’essayer de faire avec Illico. (article n° 90) Et le Canard Enchaîné ? -dernière minute, voir ci-dessous-.
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Mais les médias ont évolué, internet est difficilement saisissable, la presse est libre et on ne peut plus la maîtriser qu’en l’achetant. Ça coûte fort cher mais se pratique encore couramment, soit à titre personnel comme Berlusconi en Italie, soit au nom d’une cause financière, comme en France où les bonnes volontés ne manquent pas pour s’accaparer entre peu de mains la majorité des médias papier et hertziens ou peser sur leur contenu avec de lourds budgets publicitaires.
Au moment où je relis cet article pour le publier, la radio m’annonce qu’une perquisition est en cours au Canard Enchaîné, le seul journal d’information dont le capital n’est pas ouvert en bourse et le financement exempt de publicité. Donc le seul journal incontrôlable par les moyens berlusconiens. Elle concernerait Clearstream, la seule affaire judiciaire où le divin nom de Sarkozy est cité. Il y a des hasards, comme ça.
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Et comme il n’est plus question de censurer, -- trop visible—on ruse. Pour éviter les sujets brûlants, on noie le téléspectateur dans un lot d’informations sans importance, chiens écrasés de toutes sortes et vie privée des « people ». On détourne l’attention du bon peuple des sujets sur lesquels on est en train de lui préparer un mauvais coup. Oh, on n’a rien inventé : qui n’a pas vu un documentaire de propagande nazie sur la construction des autoroutes, les chantiers des Vandervögel, ou un film « lénifiant » sur l’industrie ou l’agriculture soviétiques… ?
Ainsi Fillon a-t-il pu démantibuler ligne par ligne les lois de progrès social de Jospin pendant que la France s’extasiait devant le loft et la star ac.
Et puis troisième volet : l’attaque personnelle. A cet égard, la France était encore un pays où le monde journalistique avait la décence et la dignité de séparer la vie privée des hommes politiques –dès lors qu’elle n’était pas délinquante- -- et encore-- de leur carrière publique. C’est ainsi qu’un président de la 3° république recevait des greluches à l’Elysée, et qu’un autre a pu être gay, ainsi que différents ministres de la 5°, -surtout à la culture-, sans que la presse n’aille prendre de photos dans leur lit-. Mitterrand a pu avoir une double vie et une fille cachée, -connue de tous les grands organes de presse-, sans défrayer la chronique. J’aime cette France respectueuse des libertés individuelle.
Pendant ce temps-là, Clinton devait s’expliquer en mondovision sur les fellations de sa secrétaire, ce qui confortait l’Europe dans le bien-fondé de son respect des libertés individuelles et faisait passer les tenants du système anglo-saxon pour les parfaits hypocrites qu’ils sont.
Ce bon temps est révolu. C’est ce que, mercredi midi sur France-Info disait une journaliste sur un ton absolument hargneux, pour justifier l’étalage qu’elle a fait en librairie des débats du couple Hollande – Royal.
On se doute bien que la situation du parti socialiste est propre à susciter des débats, et on constate d’ailleurs avec regret que ce parti qui représentait tant d’espoirs pour tant de français ne fait rien pour éviter qu’ils ne s’aggravent.
Mais est-ce une raison pour étaler la vie privée de ce couple comme par hasard pendant la campagne des législatives ? Tout l’arsenal éditorial et médiatique de la droite semble réuni pour donner à ce « fait divers » un retentissement planétaire.
Si certains journalistes préfèrent le monde anglo-saxon, pourquoi n’y vont-ils pas ? S’ils n’aiment pas la France, qu’ils la quittent, mais qu’ils cessent de nous présenter des retours aux valeurs du moyen âge et à l’inquisition comme une politique de progrès ! S’ils trouvent que c’est un plus de transformer « Liberté Egalité Fraternité » en « Travail, Famille, Patrie », ne pourrait-on leur expliquer qu’on a déjà essayé ça et que ce n’était pas concluant ?
La seule chose qui progresse inexorablement en France, que le gouvernement soit de gauche ou de droite, c’est le nombre de divorces, de couples libres et de familles « recomposées ».
Ne voit-on pas une grotesque contorsion dans les déclarations des députés UMP – déjà nombreux- qui ont pris parti contre le contrat d’union civile promis aux gays par le petit chose en compensation du refus du mariage, contrat qui figure pourtant dans le programme électoral de leur parti, en clamant que la famille était une valeur fondatrice de la société ?
Comment la société ne s’écroulerait-elle pas si d’aucuns persistent à l’étayer avec des « valeurs fondatrices » en déroute ? Les Français veulent vivre autrement, donnez leur la société qui leur convient au lieu de toujours chercher ses références dans les tréfonds de l’histoire !
Les gays veulent le mariage dans un souci d’égalité républicaine (1,2% veut se marier !). La raison voudrait que l’égalité républicaine soit plus facile à atteindre en supprimant le mariage pour tout le monde qu’en en étendant les soi-disant bienfaits à une société qui s’en libère depuis cinquante ans ! Ça, c’est dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, et surtout les gens raisonnables, mais qui osera le dire ?
Les Français ne préfèreraient-ils pas entendre leurs médias leur parler des fins de mois difficiles, des affres des chômeurs qui n’en peuvent plus d’être des assistés, de ceux d’entre eux qui ne demandent qu’à se lever le matin, de l’insuffisance de l’encadrement de leurs gamins au collège, de la disparition des associations de quartier ?
On ne peut parler que de ce qu’on a à dire. La droite parle.
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