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96° Le salaire de la peur.
L’année 2007, et sans doute les quelques suivantes ne resteront pas dans l’histoire comme des périodes propices à l’émancipation des libertés individuelles en général, et homosexuelles en particulier…
En France…
Les radios nous battent les oreilles avec notre petit élu qui est « le premier président de la cinquième république à avoir été élu dès sa première candidature ». Exact. Mais j’ai beau tendre l’oreille et ausculter les bulletins d’informations, je n’entends jamais dire quelque chose qui me semble pourtant bien plus significatif : Sarkozy est le premier président de la cinquième république à avoir été élu avec un aussi grand nombre de voix du front national.
Car rendons grâce à son prédécesseur, que nous risquons bien de regretter plus vite que nous aurions pu l’imaginer : le grand Jacques avait toujours été sur ce point d’une exemplaire fermeté. Encore une belle tradition républicaine qui se perd.
Voilà donc un gouvernement composé « d’hommes neufs ».
http://www.liberation.com/actualite/politiques/254599.FR.php
Homme neuf : Alain Juppé par exemple. Entré au service de Jacques Chirac en 1976, Alain Juppé n’a que 31 ans de politique derrière lui. Un bizuth, quoi… Après avoir essuyé deux affaire judiciaires, dont l’une a valu – avant abandon des poursuites – le foudroiement par Jacques Toubon du procureur de Paris Bruno Cotte qui l’avait suscitée, et l’autre une condamnation pendant laquelle il est allé respirer le grand air du Canada, le maire de Bordeaux est donc un des petit nouveau du gouvernement. Il incarne le renouvellement.
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Détail amusant : nommé par un calife qui veut « liquider » l’esprit de mai 68, Alain Juppé -seul ministre d’état de ce gouvernement -, vous excuserez du peu, pourrait en la matière figurer sur le livre des records. Il est en effet l’instigateur de la plus belle grève générale depuis mai 1968, et ce à propos de la réforme des retraites. Rappelez vous novembre – décembre 1995. Or la réforme des retraites est toujours au programme. Mais chargé du développement et de l’aménagement durable, Juppé n’aura que l’aménagement de sa propre retraite à choyer, dieu merci pas celle des autres.
Brice Porteflingue. Pardon : -Hortefeux-. Encore un nouveau… Ami de trente ans de Sarkozy, entré en politique en 1986 comme administrateur territorial, il était chargé des négociations « qui n’ont pas existé » entre Sarkozy et le Front National. Il possède la furieuse réputation, non vérifiée mais très furieuse, d’avoir milité dans des groupuscules d’extrême droite (GUD, GAJ) dans les années 70. Détient le fameux portefeuille qui doit concilier l’immigration et l’identité nationale. Sachant que le ministère de la culture a été sauvé de justesse de la relégation, on se demande ce qu’aurait pu être l’identité nationale sans un ministre chargé des affaires culturelles.
Justement, on trouve Christine Albanel à la Culture et à la Communication. Précédemment à la tête du Château de Versailles, cette brave dame s’est vu reprocher par les historiens de transformer le château en parc d’attractions. Très partisane du mécénat, Christine Albanel incarne cette mode anglo-saxonne qui pousse les états à se détourner de leur patrimoine en le bradant à de grandes entreprises comme support publicitaire. On se souvient qu’interrogé sur la nomination d’Ornano au poste de ministre de la Culture, Mitterrand avait répondu en direct à la radio que ce qui l’inquiétait n’était pas tellement le ministre de la culture, mais la culture du ministre. C’est à cela qu’on reconnaît les grands visionnaires : leurs déclarations sont toujours d’actualité.
On ne va pas les analyser tous, mais seulement ceux qui interrogent notre subconscient. Par exemple, le cas de Xavier Bertrand, qui a pour tâche le Travail, les relations sociales et la solidarité. Les affaires sociales sont devenues des « relations sociales », ça fait plus DRH, ça rappelle le bureau… Mais ça augure plutôt mal pour les exclus qui justement, ont vu toute forme de relation avec le reste de la société coupées par les exclusions. On ne récupère que les pas trop amochés, et on laisse les autres à Martin Hirsch, haut commissaire « aux solidarités actives contre la pauvreté ».
Martin Hirsch… Ex-collaborateur de Kouchner et énarque, Conseiller d’Etat… Pour lui aussi, l’heure de la promotion avait sonné. Et sa seule présence démontre la volonté du pouvoir d’abandonner le sort des déshérités au monde des associations caritatives au lieu de prendre lui-même le problème à bras le corps. On ne prête qu’aux riches. En organisant, à l’anglo-saxonne, le développement de l’action caritative, Martin Hirsch risque bien, volontairement ou non, de sonner le glas des RMI et autres subventions de derniers recours qui marquent encore la solidarité nationale à l’égard des plus déshérités.
Si la République favorise à ce point la prise en charge des exclus par le monde associatif qu’elle nomme un haut commissaire exprès, il faut comprendre qu’elle entend les lâcher et s’en laver les mains. Le mot « Fraternité » de notre devise en prend un vilain coup. Il est vrai que c’est la devise toute entière « Liberté Egalité Fraternité » qui a tremblé sur ses bases lorsqu’on a entendu les directives du programme du calife essentiellement fondé sur la réhabilitation du travail, les valeurs de la famille et une notion de patrie qui nous a valu le ministère de l’immigration et de l’identité…
Au logement et à la ville, on retrouve encore une petite nouvelle de 63 ans, députée des Yvelines depuis 1986, conseillère du Conseil Pontifical pour la famille du Vatican depuis 1995, la très homophobe Christine Boutin, (voir mon article n° 67). On se souvient qu’elle participa jusqu’à la fin -alors que d’autres la quittèrent en route -, à la tristement célèbre manifestation de janvier 1999, où furent brandies des pancartes « les pédés au bûcher » (et d’autres pires…), celle qui introduisit un symbole religieux –une bible-, dans ce temple de la laïcité qu’est l’assemblée nationale pour plaider contre le PACS. Ce n’est pas demain que les couples gays pourront prétendre à un logement social, même s’ils ont un enfant…
Roselyne Bachelot, 61 ans, est élue conseillère générale du Maine et Loir en 1982. Encore une gamine en politique. Elle est néanmoins la seule UMP qui a défendu le PACS et voté pour. Là voilà nommée à la jeunesse et aux sports. Elle n’y fera pas plus de dégâts qu’à l’écologie, et sûrement autant de gags. Ayant personnellement pu dîner un soir avec cette dame par ailleurs humaniste, estimable et pleine d’humour, je lui ai demandé « ce qu’elle faisait dans un parti de droite »… ! Et sa réponse embrouillée ne m’a pas convaincu, je n’en ai retenu qu’une grande admiration qu’elle semble professer pour le petit Nicolas. Elle fait sa petite carrière avec l’air de ne pas y toucher..
Michèle Alliot Marie, 61 ans, est entrée en politique il y a plus de 26 ans. En 1981, elle est déjà secrétaire nationale chargée de la fonction publique du RPR. Avant son départ du ministère des armées, elle s’est empressée de confirmer la commande de pièces coûteuses de son cher second porte-avion, de manière à rendre sa construction irréversible. Elle hérite du ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités. A-t-on rangé les cultes dans les collectivités ? Mes documents sont muets sur ce point. Pourtant, le domaine des cultes qui dépend traditionnellement du ministre de l’intérieur, me semble un sujet de première priorité, surtout par les temps qui courent…
Bernard Kouchner et Eric Besson… Ah… « l’ouverture ».
L’importante participation à ces élections, le relatif échec de Bayrou et les scores rapprochés des finalistes ont démontré que la France était toujours structurée autour d’un clivage gauche-droite très net. L’ouverture consiste donc à vouloir élever les renards et les poules dans le même enclos.
Ça ne peut pas évidemment pas fonctionner.
Kouchner a –t-il jamais été de gauche, même avant d’être radié ? Souvenons nous qu’il a toujours été partisan du CPE ainsi que de l’intervention de Bush en Irak… Et Besson ? Il ressemble beaucoup plus, comme le précédent d’ailleurs, à un technocrate qui a changé d’employeur qu’à un militant qui aurait eu des états d’âme…En tout cas, comme secrétaire d’état chargé de la prospective, il est dans son élément : le sens de la prospective qu’il a déployé dans sa zigzagante carrière politique nous garantit que les prospectives dont il est chargé feront du chemin……
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Mon sentiment est que nous avons là affaire à deux carriéristes patentés à la recherche d’un ascenseur social qui leur a paru plus rapide chez Sarko que chez Ségolène.
Mais d’ouverture, point. Puisque par définition, si on accepte d’appartenir à un gouvernement, c’est qu’on en accepte les lignes directrices, le programme et le plan. Alors, laissons leur le bénéfice de l’honnêteté intellectuelle en les qualifiant de ralliés, mais n’accordons pas à cette équipée hétéroclite un esprit d’ouverture que tout dément. A mes yeux, ils ressemblent bien davantage à une bande d’aventuriers.
Concernant la parité, on pourrait gloser. C’est une forme de discrimination positive. Je déteste. A chaque poste, il faut mettre le meilleur, sans autre considération. Ce sont les guignols de canal plus, qui, avec leur sens de la phrase courte, la résument le mieux :
40% de femmes
40% d’hommes
20% de traîtres.
S’étant prêté de bonne grâce au jeu de la vérité sur Canal plus,
http://youtube.com/watch?v=CZwC3yWahdg
Nicolas Sarkozy, à la provocation « Steevy ministre de la Culture ? » répond que « son ami Steevy est un homme intelligent et sensible qui défend très bien ses idées et envers qui il ressent de la confiance et de l’amitié ». Merci, monsieur Sarkozy, de nous avoir appris que Steevy avait des idées. Nous, on ne s’en était pas aperçu, mais peut-être êtes vous avec Steevy « sur la même longueur d’onde » ? Cela peut favoriser la compréhension…
Bon. C’est au pied du mur qu’on voit le maçon. Laissons passer quelque temps pour examiner à nouveau le résultat de cette fine équipe.
Tiens à propos, brillante illustration de ce que la liberté ne s’use que si l’on ne s’en sert pas, le journal gay Illico qui avait été menacé par « la direction des libertés publiques du ministère de l’intérieur » de disparition pure et simple sans motif clairement explicité, (voir mon article n° 90) vient de recevoir un missive du directeur de cabinet du jeune Barouin disant que : « le ministre avait décidé de ne pas faire usage, à l'endroit de la publication Illico, des pouvoirs qu'il tient de l'article 14 de la loi du 16 juillet 1949".
Cela n’aura été qu’une tentative d’intimidation, sans doute due au fait que Illico est le seul journal gay de grand tirage vraiment militant et qu’il avait clairement pris parti pour Ségolène.
Cette mesure avait déclenché une levée de boucliers –et même de plumes trempées dans l’acide- dans toute la presse. Même pour un gouvernement qui veut « rentrer dedans », il paraissait sage d’évacuer la boulette.
La précédente agression ministérielle à l’encontre d’un journal gay était une tentative du même acabit concoctée contre Gai Pied en 1987 par Charles Pasqua, le pote à Sarko qui voulait terrifier les terroristes, et qui avait été avortée par… François Léotard, le vendeur aux enchères de TF1 Comme quoi…
Deux choses encore sur les nouvelles perspectives françaises :
D’abord sur le nouveau gouvernement en signalant qu’un grand nombre de députés UMP se sont d’ores et déjà déclarés farouchement hostiles -réélection en France profonde oblige-, au vote des améliorations du PACS promises par Sarko dans son programme, et dont Sébastien Chenu, président de Gay Lib, les UMPédés que les gays de gauche appellent volontiers « le club des masos », s’était déclaré satisfait. Ça lui a d’ailleurs réussi : le voilà promu au rang de conseiller du président pour les affaires LGBT. Non seulement il ne pèsera pas lourd devant Christine Boutin et la cohorte scientologue que le calife rencontre volontiers, mais vu le peu de choses dont il se contente et le dédain qu’il semble professer pour l’acquisition définitive de l’égalité républicaine que constitueraient le droit au mariage et le droit à l’adoption, il semble que nos libertés ne vont pas faire de bond en avant pendant la prochaine législature.
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Ceci d’autant plus que SOS Homophobie vient de publier son rapport 2007, et que les résultats sont accablants au regard des promesses faites en matière de sécurité par le précédent ministre de l’Intérieur. Un certain Sarkozy, Nicolas.
Les cas d’homophobie signalés dans les lieux publics et sur la voie publique ont doublé. Apparition d’agressions fréquentes et aveugles dans la rue, les commerces, les transports, le voisinage, sur tout ce qui n’affiche pas une image de « virilité acceptable » dans son comportement, ou qui est l’objet de soupçons ou de diffamation. Pas de quoi pavoiser, d’autant plus que le projet d’information sur l’homophobie dans l’enseignement secondaire est en panne depuis plusieurs années, bien que son coût soit nul puisque des bénévoles associatifs se sont proposés pour le réaliser.
Et enfin, l’UMP s’abstient de présenter aux législatives un candidat contre Christian Vanneste, qui, après une condamnation confirmée en appel pour propos homophobes injurieux, a furtivement glissé de l’UMP vers le CNI, succursale « droitiste » de l’UMP. Ainsi, Sarkozy réussit-il le tour de prestidigitation tout à la fois d’éviter une triangulaire, et d’engranger par succursale interposée la réélection de Vanneste sans avoir eu à le radier de son parti.
On note aussi l’investiture de Madame Ceccaldi-Reynaud, députée de Puteaux, récemment condamnée pour avoir fait diffuser un tract diffamatoire sur son adversaire socialiste, avec des sous-entendus insinuant des soupçons de pédophilie.
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Un petit mot aussi de la déception des socialistes devant les ruines fumantes de leur parti où la machine à perdre à tourné à plein régime, tant le carriérisme des éléphants n’a pas hésité à sacrifier la perspective d’une victoire possible au maintien d’un confortable statut de rentier de l’opposition. Le carriérisme n’est pas une spécialité de droite, mais s’ils veulent voir à nouveau la couleur de mon chèque de cotisation, il faudra qu’ils mettent de l’ordre au karcher dans les écuries de leurs gros bestiaux. J’irai leur chanter « le cimetière des éléphants » s’il le faut.
Et à propos des centristes, je retiens l’image des députés de l’UDF fuyant en troupeaux serrés vers la bonne soupe de l’UMP. On a beau faire, les hommes auront toujours la couille droite un peu plus grosse que la gauche. Le centre n’a jamais été autre chose que le milieu de la droite. Il n’y a qu’à voir comment Bayrou reste en rade pour avoir voulu le resituer dans une saine géométrie.
Enfin les chanteurs de reggae lourdement homophobes, comme Capleton, qui s’étaient vus interdire des séries de concerts en Europe à cause des invitations aux meurtres homophobes contenus dans leurs chansons, ont trouvé la parade : ils sortent un film, « Made in Jamaïca », le 13 juin… Je ne vous montrerai pas l’affiche.
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Pendant ce temps-là, un groupe de lesbiennes serbes, avec sa chanteuse Marija Serifovic a gagné le grand prix de l’Eurovision. Faudra revoir nos idées reçues sur la Serbie… Mais elles sont déjà accusées d’avoir copié l’Albanie. Allons, allons, il y aura des chanteuses lesbiennes pour tout le monde.
Bon. Il faut aussi qu’on parle un peu de la Pologne, vous savez, ce pays tout près du nôtre dont les dirigeants se sont donné pour mission divine de « rétablir les valeurs chrétiennes en Europe ».
La Pologne s’est fait taper deux fois sur les doigts dans la même semaine par la Cour Européenne des droits de l’homme. Record battu !
Une double première fois pour son projet d’interdire l’accès à l’enseignement aux homosexuels et pour censurer les brochures du Conseil de l’Europe relatives à l’éducation sexuelle, et une seconde fois pour prétendre écarter de la fonction publique toute personne ayant peu ou prou collaboré ou seulement appartenu aux communistes d’avant le déluge. Ce qui exclurait quasiment la moitié du pays de la fonction publique…
Plus un arrêt de la Cour Européenne sur une violation de l’article 11 de la Convention Européenne des droits de l’homme relative à l’interdiction de la Gay Pride de Varsovie en 2005. Laquelle a eu, pour sa version 2007, timidement lieu hier entre deux doubles rangées de policiers et de skinheads cathos. (spécialité russo-polonaise)
Le député européen Maciej Giertych, qui avait été blâmé par le parlement européen pour avoir publié une brochure antisémite, vient d’en éditer une seconde, homophobe. Persiste et signe.
Son fils, Roman Giertych, est précisément le ministre de l’éducation qui veut bannir toute notion de l’homosexualité du monde de l’enseignement polonais. Y a pas de pédé dans la famille.
En tout cas, en Pologne, on a de la suite dans les idées, puisque le président de la République, encore une affaire de famille puisque c’est l’un des jumeaux Kaczynsky, Lech, ( l’autre étant, je le rappelle, premier ministre…) qui a déclaré qu’il introduirait dans la constitution les dispositions que l’Europe l’empêcherait de promulguer par la loi. Ça promet…
La Pologne deviendrait dans ce cas le premier pays européen depuis le III° Reich à posséder des statuts discriminant la liberté d’opinion et la liberté sexuelle.
Il me semble ubuesque de se disputer sur l’éventuelle adhésion de la Turquie à l’Europe dans quinze ans alors que nous avons aujourd’hui dans l’Europe des pays qui traitent les droits de l’homme de cette manière.
Le jour de gloire n’est pas arrivé…
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