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Le créationnisme, fond de commerce des religions monothéistes.
Le déisme.
Lorsque notre civilisation est partie à la conquête des terres inexplorées, elle a pu constater que toutes les peuplades rencontrées, qui vivaient dans une totale ignorance les unes des autres, avaient en commun un panthéon de divinités à peu près identique.
Il semble appartenir à la nature humaine de s’inventer une divinité pour expliquer ce que la science n’a pas pu démontrer. Le soleil, les astres, les phénomènes météorologiques, la pluie, la fécondité, la nature même se sont ainsi vus déifier jusqu’à ce que la science apporte ses lumières quant à leur cause et leur fonctionnement. Toutes ces civilisations primaires étaient polythéistes, à la mesure de leur ignorance.
L’idée de génie –si on peut dire-, fut d’inventer un dieu chargé d’assumer un mystère, un seul, mais assez complexe et insoluble pour résister à la science le plus longtemps possible. Ce fut la création du monde. Le monothéisme était né.
C’est dire à quel point les religions monothéistes cultivent leur version, -au demeurant commune- de la création du monde, et entendent faire taire toute doctrine qui, en les contrariant, pourrait porter préjudice aux « droits d’auteur » qui constituent la base de leur doctrine, et donc plus prosaïquement leur fonds de commerce.
Avec l’avènement du Christianisme, puis plus tard de l’Islam, toutes ces connaissances sont passées à la trappe. Les Arabes de l’antiquité savaient que la terre tournait autour du soleil, 2000 ans plus tard, Galilée, devait abjurer la vérification de cette observation !
Et la lutte continue. Au 21° siècle, l’enseignement du créationnisme, la création du monde en 7 jours (et 35 heures ?) tel que décrit dans la bible est toujours de rigueur dans de nombreux pays. Notamment aux USA où on n’entend parler de Darwin qu’en entrant à l’université !
Pour les intégristes de tout poils, la manœuvre consiste à imposer le créationnisme dans l’enseignement afin de le fondre dans une « culture profonde ».
C’est aux Etats-Unis que la guerre de l’évolution a commencé. Pour faire face à une décision de justice défavorable survenue il y a vingt ans, le créationnisme à l’américaine s’est travesti.
En effet, en 1987, le créationnisme a essuyé un revers dans sa lutte contre le darwinisme : un procès retentissant opposant les deux parties s'est soldé par l'interdiction d'enseigner le créationnisme dans les écoles.
Le premier amendement de la Constitution américaine stipule en effet qu'aucune loi ne peut promouvoir une religion.
Les créationnistes, voyant qu'ils ne pourraient plus avancer dans cette direction, ont changé de méthode. Il fallait travestir leur dogme en science.
Une "nouvelle théorie" créationniste, le "dessein intelligent", ou « intelligent design », a donc tenté de présenter ses arguments de manière plus "scientifique"...
Repartant en guerre contre la théorie de l'évolution, ces "nouveaux créationnistes" ont enlevé toute notion de Dieu de leur vocabulaire... sans changer le fond de leurs pensées !
Cela nous donne une nouvelle version « qui remplace la précédente ». :
- l'évolution est guidée par un être supérieur, il y a un dessein intelligent dans l'univers
- la vie humaine est trop complexe pour être le fruit du hasard
- la théorie de l'évolution est trop frustre pour expliquer la complexité de la vie. La meilleure hypothèse alternative, c'est qu'une intelligence supérieure, extraterrestre ou divine, l'a organisée.
- il y a tellement de choses belles dans la nature que c'est forcément une force intelligente qui dirige tout cela...
Or tout cela n’est qu’un grossier rhabillage : Il suffit de remplacer les notions de "force" ou de "dessein intelligent" par le mot "dieu" pour retrouver intacts tous les arguments traditionnels des créationnistes.
Par ailleurs, réplique sur le terrain
Un gigantesque « Musée de la création » vient d’ouvrir ses portes à Petersburgh, dans le Kentucky, avec un investissement de 27 millions de dollars surgi d’on ne sait où. Il fonctionne comme un parc à thème avec des abonnements mensuels et annuels.
Bush prône le « double enseignement de deux théories concurrentes », et 38% des Américains ne croient à rien d’autre qu’au créationnisme. (Contre 4 à 12% en Europe et au Japon).
Or la même année, cette année, on découvre deux choses simultanément. D’abord que cette doctrine du créationnisme que l’on croyait circonscrite aux Etats-Unis commence à faire des ravages en Europe, et ensuite que l’Islam, qui a aussi des intégristes assez remuants, la professe de son côté de bien étrange manière.
Côté chrétienté, le créationnisme vient de trouver un nouveau militant en la personne du nouveau pape, qui veut le promouvoir comme dogme dans l’enseignement européen, alors que son prédécesseur se contentait de dire que c’était là « bien plus qu’une simple hypothèse ».
Mais la goutte d’eau « qui a mis le feu aux poudres », c’est l’apparition en février 2007, dans les boites à lettres de toutes les bibliothèques des lycées, collèges et universités de notre douce France, et aussi de Belgique francophone, d’un superbe livre, « L’Atlas de la Création », ouvrage luxueux et gratuit, qui se présente comme le premier d’une série de sept tomes.
Ce livre, luxueusement imprimé en Turquie, en quadrichromie et papier de qualité non recyclable, est signé « Harun Yahya ». Or, si on va sur le site francophone de ce monsieur Harun Yahya ;
…que découvre-t-on : D’abord, une magnifique publicité pour une édition du coran, une page à la gloire de l’auteur qui balaie les derniers doutes sur la militance intégriste du personnage :
http://www.harunyahya.com/fr/theauthor.php
des requêtes à collaborer avec le mouvement, faciliter ou donner des conférences et enseignements, et des liens vers des pages hautement craignos comme celle-ci :
http://www.harunyahya.com/fr/articles/article95_fabrications.php
Si vous n’êtes pas convaincu de la menace d’une pieuvre multinationale, vous pouvez vérifier l’existence réelle des succursales suivantes :
http://www.harunyahya.de/ Allemagne
http://www.harunyahya.be/ Belgique
http://www.harunyahya.ch/ Suisse
http://www.harunyahya.es/ Espagne
http://www.harunyahya.pl/ Pologne
http://www.harunyahya.ru/ Russie
http://www.harunyahya.at/ Autriche
http://www.harunyahya.cn/ Chine
http://www.harunyahya.dk/ Danemark
http://www.harunyahya.gr/ Grèce
http://www.harunyahya.hk/ Hong Kong
http://www.harunyahya.in/ Inde
http://www.harunyahya.jp/ Japon
http://www.harunyahya.lu/ Luxembourg
…et j’en oublie forcément quelques uns.
Les démonstrations du livre sont pour le moins oiseuses, et en tout cas scientifiquement erronées : Elles consistent notamment à présenter côte à côte un fossile et un animal actuel qui se ressemblent quelque peu pour affirmer qu’il s’agit bien de la même bébête, inchangée depuis des millénaires, ce qui réfuterait les théories de Darwin.
Le biologiste Hervé le Guyader, de la Faculté de Jussieu, chargé par Gilles de Robien d’analyser l’ouvrage , explique l’imposture dans une interview parue dans le Figaro :
Citation :
« Il s'agit d'une nouvelle forme de créationnisme, bien plus insidieuse que celle, d'inspiration chrétienne, qui sévit en Amérique du Nord, dit-il.
Harun Yahya ne prétend pas, en effet, que le monde et ce qui l'habite a été créé il y a six mille ans et en sept jours, comme le dit la Genèse. L'auteur, de confession musulmane, admet au contraire que la Terre a bel et bien 4,6 milliards d'années, son âge réel. Il s'appuie d'ailleurs sur les très nombreux fossiles retrouvés depuis deux siècles dans le monde entier pour asséner que « les espèces n'ont jamais changé ».
« La méthode peut s'avérer redoutablement efficace sur un public non averti, s'inquiète Hervé Le Guyader. Car ces espèces a priori semblables sont en fait très différentes les unes des autres tant sur le plan anatomique que génomique. La plupart seraient incapables de se reproduire entre elles ! »
L'auteur, qui cite abondamment le Coran, conclut que « la création est un fait », prouve « l'existence de l'âme » et prophétise « la fin du matérialisme ».
Fin de citation.
Qui a financé la fabrication de ce livre luxueux gracieusement expédié à des dizaines de milliers d’exemplaires dans plusieurs pays ? Comment les listes d’adresses ont-elles été collectées ?
Toujours est-il qu’un député européen français, socialiste, Guy Lengagne, s’est mis en devoir de faire un rapport sur le sujet, qui a été présenté lundi 25 juin au Conseil de l’Europe.
Lequel a jugé urgent de ne rien faire, d’annuler le débat, de ne voter sur rien, et de ne pas se prononcer en aucune manière sur un sujet si brûlant. Pourtant, ce rapport était superbement ficelé.
"La cible première des créationnistes contemporains, essentiellement d'obédience chrétienne ou musulmane, est l'enseignement, s'inquiétait le rapport. Nous sommes en présence d'une montée en puissance de modes de pensée qui, pour mieux imposer certains dogmes religieux, s'attaquent au coeur même des connaissances."
Le créationnisme rejette la théorie darwinienne de l'évolution des espèces par la sélection naturelle et défend l'idée que le monde a été créé par Dieu ; soit en six jours selon le récit de l'Ancien Testament, soit grâce à l'intervention d'un "dessein intelligent" pour les néo créationnistes".
Le rapport argumentait que les Etats membres du Conseil de l'Europe devaient s'opposer fermement aux enseignements du créationnisme en tant que discipline scientifique qui aurait la même légitimité que la théorie de l'évolution par la sélection naturelle.
Or ce rapport capital a été jeté aux poubelles de l’histoire.
Tout ceci est d’autant plus regrettable que nous avons en France une institution remarquable, la « Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires » (MIVILUDES), qui est un dispositif supérieurement efficace et informé qui rend périodiquement au premier ministre un rapport qui fait référence en la matière. De nombreux pays pourraient nous envier ce dispositif. Tout cela n’a pas intéressé le Conseil de l’Europe.
L’Europe veut bien être compétente pour la section des frites surgelées, les additifs du ketchup épicé, la normalisation du diamètre des pivots de charnières, voire les traces de pesticides qui se baladent dans les rivières, mais sonner le tocsin devant une attaque en règle de la laïcité dont dépend l’équilibre de notre culture et de notre civilisation, non. On ne touche pas.
Le conseil de l’Europe a déjà renoncé à se prononcer sur les sectes, éludé le débat sur la scientologie, laissé le problème de l’euthanasie aux commissions d’éthique gangrenées par les idéologues.
On se demande comment cette institution a bien pu faire pour se prononcer contre l’homophobie et les discriminations. Mais on s’inquiète aussi de savoir à quoi ces belles prises de position vont servir si l’Europe se laisse envahir par les idéologies intégristes, qui sont autrement plus sournoises que les casseurs de pédés et autres racistes de bistrot.
Au parlement européen, les choses ne se déroulent pas du tout comme à notre assemblée nationale. L’extrême droite y possède un groupe constitué, et tout fonctionne par lobby.
Et inutile de dire que les intégristes et autres chrétiens bétonnés y sont organisés avec soin.
"Nous n’avons pas pu faire prévaloir l’évolutionnisme sur le créationnisme, regrette Guy Lengagne. Nous avons eu affaire à de violentes oppositions de la part d'un consultant russe présenté par la Pologne et soutenu par des Hongrois ; il assimilait l'évolutionnisme au stalinisme, au nazisme et au terrorisme !" assure l'auteur du rapport, l'ex-député français (PS) Guy Lengagne. (Le Monde, 26/6/07).
Bref, la construction de l’Europe, c’est un chantier, certes, mais c’est aussi le terrain où les vieux démons réapparaissent pour entraver la marche du progrès.
Lorsque nous élirons, dans deux ans, nos députés européens, sachons qu’il faut envoyer là-bas de véritables justiciers, des quasi super héros qui auront à combattre des forces du mal qui ont peu à envier aux spectres des films d’horreur.
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