En Inde, l'accès aux nouvelles technologies est encore l'apanage des hommes. Depuis huit mois, l'association Feminist Approach to Technology donne des cours d'informatique aux femmes indiennes pour leur permettre une meilleure intégration dans la société.
"On entend souvent dire que les hommes sont plus capables que les femmes en matière de technologie, mais c'est simplement qu'ils y ont plus facilement accès !" Gayatri Buragohain sait de quoi elle parle. Diplômée de l'école d'ingénieur de l'Assam, Etat du nord-est dont elle est originaire, elle se rappelle sa lutte pour pouvoir étudier sur un pied d'égalité avec ses camarades masculins à l'université. "J'ai dû faire face à beaucoup d'hostilité, de la part des professeurs et des étudiants, simplement parce que j'étais une fille qui remettait les choses en questions", explique t-elle. "Dans beaucoup d'universités de province, on dissuades les filles à participer aux activités extrascolaires et elles n'ont souvent pas accès aux laboratoires en dehors des heures de cours. J'ai voulu changer cela"
En août 2007, Gayatri Buragohain fonde à New Delhi l'association Feminist Approach to Technology (FAT), qui propose des sessions d'initiation à l'informatique exclusivement réservées aux adolescentes et aux femmes. Objectif : rattraper l'immense retard par rapport aux hommes dans ce domaine. En Inde, les secteurs dits techniques ou technologiques ne comprennent en effet que 21% de femmes. Les Indiennes subissent une pression sociale qui les pousse souvent à abandonner leur formation initiale pour poursuivre des carrières moins ambitieuses. Une tendance que déplore Gayatri Buragohain : "De nombreuses femmes qui étudient dans des filières techniques, renoncent ensuite à chercher un emploi dans leur domaine d'expertis".
Depuis février, FAT a organisé quatre ateliers, axés principalement sur le fonctionnement des ordinateurs, d'internet et sur la construction de site web, s'adressant à des groupes de femmes, d'âge et de milieux sociaux différents, en particulier à des mères de familles et des filles des bidonvilles. "Nous leur apprenons comment mettre en ligne des photos, marquer des pages, monter un blog", explique la fondatrice. FAT a aussi prévu des formations pour les femmes en milieu rural, afin qu'elles puissent, par exemple vendre leurs bijoux ou les artisanat sur internet.
Mais au-delà d'une formation purement technique, l'organisation a aussi pour but de redonner confiance aux femmes indiennes, qui souvent n'ont pas le réflexe d'aborder ces nouvelles technologies d'elles même. "De nombreuses adolescentes n'osent pas fréquenter les cybercafés, par exemple, de peur de se retrouver dans un environnement masculin. Nous les poussons à le faire, tout en leur suggérant les précautions à prendre", explique Gayatri Buragohain. Selon elle, c'est d'ailleurs l'environnement 100% féminin de FAT qui rend l'association efficace : "Lorsqu'elle sont en présence d'hommes, les femmes n'osent pas poser de questions, par timidité ou par crainte de se ridiculiser. Chez nous elle se sentent en confiance, ce qui permet un meilleur apprentissage".
Feminist Approach to Technology n'en est encore qu'au stade embryonnaire. Mais l'association, qui vient d'acquérir le statut de "société", prévoit déjà d'employer "6 à 8 personnes à temps plein" d'ici quelques mois, selon Gayatri Buragohain qui s'empresse de rajouter que "les Français sont les bienvenus!"