Succès surprise au box office américain, The Strangers est le premier film du jeune Bryan Bertino. Un film soi-disant basé sur des faits réels (c'est la mode et c'est vendeur), mais plutôt très largement inspiré du Ils de Xavier Palud et David Moreau, dont il reprend la trame de base (un jeune couple dans une maison isolée est harcelé par des inconnus aux motivations obscures). Et si ce coup d'essai n'est pas un coup de maître, il faut avouer que le film a de sacrés atouts à présenter au fan d'horreur. Bertino, dont c'est la première réalisation, il faut le rappeler, arrive dès les premières minutes à poser une ambiance réellement oppressante, à coups de plans larges dans lesquels les personnages se retrouvent totalement perdus. L'impression d'isolement des deux héros est palpable, et le spectateur est immédiatement sur ses gardes, redoutant la suite des événements. Tout le film est basé sur l'idée d'intrusion d'un élément perturbateur dans le foyer censé représenter la sécurité. Le premier élément étant la discorde dans le couple suite au refus de Kristen d'épouser James. On ne sait que peu de choses sur le couple ou sur la raison de ce refus, mais cette astuce scénaristique permet de créer une instabilité source de tension qui ne retombera pratiquement jamais jusqu'à la fin du film. Contrairement à la mode actuelle consistant à tout montrer et en particulier les scènes gores, The Strangers repose entièrement sur ce qu'on ne voit pas et sur l'attente. Car au final, mis à part dans les dernières minutes, les trois inconnus n'infligent aucun sévice physique aux héros, se contentant de les effrayer.
J'ai déjà mentionné Ils dans les sources d'inspiration évidentes du film, mais en fait, la plus grosse influence de Bertino est le cinéma de Carpenter et tout particulièrement Halloween. Les masques des inconnus évoquent bien évidemment celui de Michael Myers, mais c'est surtout dans sa réalisation et son utilisation du hors champ et de l'arrière-plan que Bertino paie son tribut au maître de l'horreur. C'est là à la fois sa grande force et sa faiblesse. Une force car 30 ans après les techniques de Carpenter sont toujours aussi efficaces (une des scènes les plus effrayantes du film montre l'héroïne en train de boire un verre d'eau alors que l'un des inconnus l'observe en arrière-plan) et parce qu'on sent que Bertino a réfléchi à sa réalisation et à l'effet qu'il cherchait à obtenir (il utilise entre autres pas mal de plans éloignés et à hauteur d'homme, pour donner l'impression perpétuelle que les héros sont observés). Mais c'est aussi une faiblesse, car ces techniques ont été utilisées très souvent depuis 30 ans et donnent l'impression que le film manque d'originalité. En clair, malgré tout le soin apporté par son réalisateur et malgré des acteurs impliqués, The Strangers a du mal à sortir du lot. On lui saura gré tout de même de ne jamais complètement révéler le visage de ses trois boogeymen, réellement effrayants, et de ne jamais donner de justification à leurs actes, mis à part un laconique " Because you were home " (Parce que vous étiez chez vous).
Dommage cependant que le film se termine sur une très mauvaise note, avec une scène cliché assez ridicule et contrastant désagréablement avec la retenue du reste du film. Pour conclure, si The Strangers n'est pas une révolution, il a le mérite de révéler un réalisateur appliqué et prometteur, sachant réfléchir ses plans et utiliser une caméra, et dont je suivrai les prochains essais avec intérêt.
Note : 7/10