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Pétard ! Il fume du cannabis
Substance illicite la plus consommée en France, le cannabis peut sembler banal. Et pourtant ses effets ne sont pas à négliger : changements d'humeur, résultats scolaires en
baisse, accidents de la route… Attention, danger !
En 1993, 25 % des garçons et 17 % des filles de 17 ans avouaient avoir au moins une fois fumé du cannabis.
Aujourd'hui, selon une étude de l'OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies), ils seraient près d'un jeune sur deux. " S'il n'y a pas de portrait type de l'ado fumeur de joints,
explique Frédéric Fanget, psychiatre et psychothérapeute, garçons et filles sont concernés par cette évolution. " Ce qui les pousse à " essayer " ? À franchir le pas ? La curiosité. La pression du
groupe. Et, parfois, le désir d'accéder à un bonheur illusoire, à une époque où nombre d'idéaux, de repères ? religion, famille, etc. ? sont à redéfinir.
" La fumette apporte du pouvoir au fantasme, à l'imaginaire ", explique Philippe Jeammet, pédopsychiatre. Le cannabis permet momentanément de faire sauter les verrous de l'inhibition. Elle inscrit
également le jeune au sein " d'un groupe " à un âge où le " nous " ? mes copains et moi ? est plus important que le " eux " ? les parents. " Enfin, termine l'expert, elle donne l'impression de
combler une carence affective, un manque ? manque de confiance en soi ? à une période où le moi est en émoi et où l'identité vacille. "
Drogue à part
Doit-on considérer que c'est quelque chose d'anodin chez l'ado ou s'en méfier ? Selon le psychiatre Frédéric Fanget : " Il n'y a pas de drogues douces. Tout toxique qui mène à la dépendance pose
problème, en particulier chez les adolescents. " C'est ce qu'a démontré une étude menée par une équipe australienne sur 309 jeunes âgés de 16 ans et plus ayant consommé au moins une fois par mois
au cours de l'année précédente des substances addictives. 13 % de ces 309 personnes présentaient des états psychotiques nets et 23 % d'entre eux présentaient des symptômes cliniques ayant évoqué un
début de psychose dans l'année précédant l'entretien : méfiance, étrangeté de la pensée, hallucinations. " Les données montrant les effets toxiques des drogues, y compris de celles que l'on a
faussement appelé les drogues douces comme le haschich, sont bien connues des psychiatres et ont été longuement étouffées. C'est la prise régulière et répétée du produit avec augmentation des doses
et ses effets négatifs sur leur comportement et les résultats scolaires et universitaires qui peut attirer l'attention. "
Le psychologue Pascal Hachet intervient depuis dix ans dans un point-écoute à Creil. " Les ados qui viennent me voir, analyse-t-il, sont souvent envoyés par des tiers, que ce soit la famille ou la
justice. La fréquence de leur consultation dépend de leur degré d'attachement au produit. 5 % de fumeurs de cannabis sont fortement dépendants. Seulement, si le
cannabis aide à oublier, il ne règle pas pour autant le problème… Il faut dialoguer. "
Parole et remède
La parole serait-elle donc le meilleur antidote au cannabis ? Oui, répondent unanimement les psys. Il y a, en amont, un travail de prévention à réaliser et, en aval, si l'ado fume,
un travail d'accompagnement et de remise en question pour l'inciter à arrêter.
" Il ne s'agit pas d'incriminer ou de culpabiliser le jeune consommateur, mais de connaître les raisons qui le poussent à consommer ", remarque Philippe Jeammet. Et justement : celles-ci sont
généralement liées à un seul et même écueil : un déficit de la communication, une absence de dialogue familial. D'où l'importance de parler. Et d'inciter le jeune à s'exprimer.
Deux questions au professeur Daniel Marcelli, chef du service de psychiatrie infantojuvénile au CHU de Poitiers.
1/ Quels sont les signes qui peuvent alerter ?
Il faut distinguer consommation intermittente au cours d'une soirée et consommation massive. Dans le premier cas, l'ado semble de temps en temps endormi. On ressent chez lui un émoussement affectif
temporaire. Dans le second cas, les troubles du comportement sont décuplés ? irritations soudaines, attention défaillante, etc. À ces symptômes viennent souvent s'ajouter de lourdes difficultés
scolaires, une coupure avec les anciens amis, un cercle plus réduit qui fume lui aussi.
2/ Quelle attitude les parents doivent-ils adopter en cas de doutes ?
Ils ont le devoir de parler, de dialoguer. Avec un jeune de 15-16 ans, il faut être très ferme, montrer son refus, interdire la consommation à la maison et si nécessaire sanctionner et procéder à
un changement de cadre de vie. Si le jeune a 17 ou 18 ans, le dialogue se passera d'autant mieux qu'il sera engagé avec respect et sans agressivité. Il est nécessaire d'exprimer son point de vue,
ses réticences et de chercher une solution à deux. Si les parents ont peur de froisser leur enfant, c'est qu'il existe un vrai problème de communication qui témoigne d'une relation entravée. Dans
ce cas, il faut se faire aider.
Cet article est extrait du magazine
Psychoenfants de juillet - août 2007
Ce mois ci retrouvez un dossier complet sur "comment réussir sa vie de famille" (famille recomposée, classique, monoparentale...). Egalement des conseils sur le dilemme des mamans :
"faut-il laisser pleurer les bébés?" et une interview de Béatrice Copper-Royer sur les premières histoires d'amour des ados.
09/07/2007
Dorothée Blancheton
Psycho enfant