Restons dans l’ «Eloge de la démotivation» de Guillaume Paoli (Ed. Lignes, 2008). Comme le dit l’auteur : «L’essor de World Trade Inc. Etant lié à la création constante de nouveaux produits, il lui faut toujours puiser dans des gisements d’authenticité qui lui sont extérieurs, c’est-à-dire prospecter non seulement des objets, mais aussi des valeurs et des aspirations non-marchandes afin de les transformer en produits».
Qu’est ce qui différencie un fétichiste d’un drogué de la mode et de la consommation de telles ou telles marques ?
Le premier, convoite l’objet pour lui-même, fonction de phantasmes plus ou moins aigus, plus ou moins tordus.
Le second est dans un rapport aux autres : la possession de l’objet, de la marchandise, lui permet de se positionner par rapport aux autres, à la fois de s’identifier à un groupe social et de se distinguer d’autres.
Le premier est dans le pur plaisir individuel, le second dans de la quête identitaire de fusion/distinction.
Reste que dans les deux cas, ce sont des objets qui réïfient les désirs et il semble affligeant de voir autant de jeunes investir leurs désirs dans des chaussures de sport auxquelles seules une virgule ou trois bandes donnent leur «valeur».
Dans le second cas, ce n’est jamais l’objet en lui-même mais l’image qu’on s’en fait, une image qui se dégrade vite et que le marketing s’empresse de renouveler pour qu’à nouveau je suive une mode pas forcément explicite, celle de l’image fabriquée que, faute de pouvoir être fier de mes capacités, je veux projeter.
Personnellement, tant qu’à consommer, j’en suis resté aux valeurs sures, authentiques besoins sublimés par la culture : de saines nourritures du corps, bons vins et très bons alcools, consommés convivialement un peu au-delà de la modération pour apporter ce surcroît de plaisir de la transgression. Je plaisante bien entendu, les authentiques besoins se réduisant finalement à pas grand-chose dans nos sociétés développées.
Mais en ceci, je pense rejoindre, à ma manière F. Fourquet (que cite G. Paoli) : «… les préceptes moraux d’autolimitation et de sobriété joyeuse font de prime abord figure d’incantations magiques». J’espère que le «prime abord» pourra se transformer en contagion citoyenne.