
"Dans chaque ville, il y a ce moineau dont les gens se moquent un peu, que d'autres admirent peut-être en secret, qui pourrait s'intéresser à ce qu'on fait comme musique. Ça nous suffit"
C'est Frank Zappa en 1967. Présentant le premier album du band et de ses "mères de l'invention". Marginal est un terme trop simple pour parler de Zappa qui était très souvent en avance sur son temps. À la lumière de son investissement musical sur quelques 30 ans, il ne fait aucun doute qu'il était absolu passionné de musique. Et l'audace lui sortait par tous les poils de sa moustache.
Son oeuvre est si riche que si on demandait à 10 fans de Frank, les 10 meilleurs albums de Zappa, on aurait probablement 10 listes de 10 disques complètement différents. Voici, humblement la mienne.

Pour cerner la bête, l'hyène.
The Yellow Shark (with the Ensemble Modern)
L'année de sa mort, 1993, Frank nous a laissé un dernier témoignage de son rapport amour/haine pour la musique classique. Il avait toujours voulu être considéré comme un grand compositeur, tout en trouvant ridicule tout le cérémonial autour de la musique classique qu'il trouvait pompeux. Francesco Zappa, son pseudo baroque, fait appel au chef d'orchestre de Francfort et son ensemble moderne. Il y revisite ses propres morceaux du passé comprenant des titres toujours amusants dans de la musique "sérieuse" comme Pound For a Brown ou Dog Breathe Variations.
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Trame sonore d'un film ("dont on a pas l'argent pour finir" dira Frank) on a voulu axer sur le talent instrumental de tous et chacun. L'album est riche en intéressant riffs. On est en 1969, et l'oncle Meat kidnappe un groupe de musique qu'il drogue afin de les utiliser pour conquérir le monde et le dominer malicieusement. Critique voilée de ce qu'il percevait de Richard Nixon, mais qui pourrait s'appliquer au président orange de nos jours. Viande avariée, celle-là.

La pochette est une parodie de celle de Sgt.Pepper's Lonely Heart Club Band. On est en 1967. Année de parution du classique des Beatles. Frank et sa gang se moquent des politiques de la gauche autant que de celles de la droite, des excès des deux côtés, et rend hommage au doo-wop qui l'a charmé dans les années 50. Aussi drôle que touchant. A été sélectionné à la librairie du Congrès des États parce que culturellement, esthétiquement et historiquement pertinent. Pyschédélique, expérimental et rock. Tiré de 4 albums dans son projet No Commercial Potential. Ce qui ne plaisait pas à la maison de disque que devait les vendre.

Narré par un scrutateur central, agent d'un gouvernement dont le travail est de renforcer des lois qui ne sont pas encore passées, ce triple album concept comprend sa part de scandales volontaires en commençant pas le visage noir de la pochette et suivi d'un trio de morceaux sexistes qui ne feront pas oublier un de ses plus beaux morceaux à vie. Un instrumental immortel. 1979.
Over-Nite Sensation
12e album de la joyeuse équipée, nous sommes en 1973, et le contenu est sexuellement extrême. Certains diront même puériles. Musicalement meilleur que les paroles, on propose des guitares électriques tordues, du violon baryton et des couches de sons qui rendent hommage aux Mothers of Invention des années 60 autant qu'aux avenues musicales des jeunes années 70. Mais les textes peuvent distraire.

En 1968, FZ, qui avait cité le compositeur Edgard Varèse sur son premier album, choisit d'offrir deux mouvements musicaux de plus de 15 minutes chacun, collage de rock déconstruit pouvant glisser dans des sons de jouets pour enfants. Ça restera son album favori, le 4e dans l'oeuvre entière de Zappa. Aussi avant-garde que rock & jazz.
Sheik Yerbouti
Album qui a fait des vagues en 1979, avec de l'homophobie discutable, de la parodie disco, de Peter Frampton et de Dylan, et du stéréotype juif. Frank savait faire parler de lui. La plupart des morceaux seront bannis des ondes, même si c'est probablement son album le plus musicalement accessible.
One Size Fits All
Rare succès populaire, en 1975, funky et anticapitaliste, hard rock et même soul. George Duke est à la voix et aux claviers pour certains morceaux aux saveurs germaniques. Socio-politiquement satisfaisant considérant que dans les palmarès des ventes, l'album a atteint le 10e rang. Musicalement cohésif.
Hot Rats
Jazz & R & B, avec Sugarcane Harris, le batteur de Wes Montgomery et le violoniste Jean-Luc Ponty, 6 morceaux jazz rock fusion en avance sur leur époque (1969) qui mettent aussi en vedette Captain Beefheart, psychosexuel. Miss Christine des GTO's est sur la splendide pochette.

Le premier effort, la racine. 1966. Psychédélisme, doo-wop, blues, garage rock, chimie de cimetière, éthique de fonce-partout, insurrection pop, jam d'improvisation, soul; Tom Wilson, qui a produit, ne se doutait pas qu'il offrait au monde musical un étrange animal.
Comme chez tous les excessifs, il y a du matériel à éviter. Je vous aide:
Francesco Zappa en 1984. The Man From Utopia, un an avant. The Boots, 8 disques de 1991.
Mais la série You Can't Do That on Stage Anymore vaut peut-être le détour.