Le 4 septembre 1768 naît à Saint-Malo, rue des Juifs, François–René de Chateaubriand.
Anne-Louis Girodet-Trioson,
Portrait de Chateaubriand méditant sur les ruines de Rome, 1808.
Huile sur toile, 120 × 96 cm.
Musée d'histoire, château de Saint-Malo, Saint-Malo.
Portrait légué en 1848 par Juliette Récamier à la ville de Saint-Malo.
JE VIENS AU MONDE.
Ma mère accoucha à Saint-Malo d’un premier garçon qui mourut au berceau, et qui fut nommé Geoffroy, comme presque tous les aînés de ma famille. Ce fils fut suivi d’un autre et de deux filles qui ne vécurent que quelques mois.
Ces quatre enfants périrent d’un épanchement de sang au cerveau. Enfin, ma mère mit au monde un troisième garçon qu’on appela Jean-Baptiste : c’est lui qui, dans la suite, devint le gendre de M. de Malesherbes. Après Jean-Baptiste naquirent quatre filles : Marie-Anne, Bénigne, Julie et Lucile, toutes quatre d’une rare beauté, et dont les deux aînées ont seules survécu aux orages de la Révolution. La beauté, frivolité sérieuse, reste quand toutes les autres sont passées. Je fus le dernier de ces dix enfants. Il est probable que mes quatre sœurs durent leur existence au désir de mon père d’avoir son nom assuré par l’arrivée d’un second garçon ; je résistais, j’avais aversion pour la vie.
Voici mon extrait de baptême :
« Extrait des registres de l’état civil de la commune de Saint-Malo pour l’année 1768.
François-René de Chateaubriand, fils de René de Chateaubriand et de Pauline-Jeanne-Suzanne de Bedée, son épouse, né le 4 septembre 1768, baptisé le jour suivant par nous, Pierre-Henry Nouail, grand-vicaire de l’évêque de Saint-Malo. A été parrain Jean-Baptiste de Chateaubriand, son frère, et marraine Françoise-Gertrude de Contades, qui signent et le père. Ainsi signé au registre : Contades de Plouër, Jean-Baptiste de Chateaubriand, de Chateaubriand et Nouail, vicaire-général. »
On voit que je m’étais trompé dans mes ouvrages : je me fais naître le 4 octobre et non le 4 septembre ; mes prénoms sont : François–René, et non pas François-Auguste.
La maison qu’habitaient alors mes parents est située dans une rue sombre et étroite de Saint-Malo, appelée la rue des Juifs : cette maison est aujourd’hui transformée en auberge. La chambre où ma mère accoucha domine une partie déserte des murs de la ville, et à travers les fenêtres de cette chambre on aperçoit une mer qui s’étend à perte de vue, en se brisant sur des écueils. J’eus pour parrain, comme on le voit dans mon extrait de baptême, mon frère, et pour marraine la comtesse de Plouër, fille du maréchal de Contades. J’étais presque mort quand je vins au jour. Le mugissement des vagues, soulevées par une bourrasque annonçant l’équinoxe d’automne, empêchait d’entendre mes cris : on m’a souvent conté ces détails ; leur tristesse ne s’est jamais effacée de ma mémoire. Il n’y a pas de jour où, rêvant à ce que j’ai été, je ne revoie en pensée le rocher sur lequel je suis né, la chambre où ma mère m’infligea la vie, la tempête dont le bruit berça mon premier sommeil, le frère infortuné qui me donna un nom que j’ai presque toujours traîné dans le malheur. Le Ciel sembla réunir ces diverses circonstances pour placer dans mon berceau une image de mes destinées.
François-René de Chateaubriand, Mémoires d’Outre-Tombe, Livre premier, chapitre 3, Bibliothèque de la Pléiade, I, Éditions Gallimard, 1951, pp. 16-17-18.
Voir aussi :
- (sur Terres de femmes) 5 mai 1821/Mort de Napoléon Bonaparte (extrait des Mémoires d'Outre-Tombe).
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