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Le danseur oriental, de Metin Arditi

Publié le 21 mars 2025 par Francisrichard @francisrichard
Le danseur oriental, de Metin Arditi

Ahmet savait depuis toujours que Gülgül n'échapperait pas à l'oeil de Sabri. À quatre ans, l'enfant soulevait des sacs de pistaches de cinq kilos en souriant. À huit, des lots de noisettes de vingt kilos l'amusait, au point que l'un des pâtissiers lui avait lancé un jour: Gül, gül ! "Ris, ris !" Le sobriquet lui était resté.

Sabri repère les plus vigoureux des enfants du personnel du palais âgés de huit neuf ans. Il en fait des champions de lutte. Il en sera ainsi de Gülgül, qui s'avère, six ans plus tard, être un garçon à la fois fort et rusé:

Une chevelure rousse, des yeux verts en amande et une retenue naturelle lui donnaient des airs de prince.

L'histoire commence à ce moment-là, celui de la défaite de l'Empire ottoman, qui a signé le 11 novembre 2018 l'armistice de la honte. Cinquante-six navires des vainqueurs jettent bientôt l'ancre à Constantinople.

À défaut de pouvoir reconstruire l'Empire, le dernier sultan, Vahdettin, s'est donné pour mission de reconstituer le Surnâmé, chef-d'oeuvre suprême de l'art ottoman, réalisé quatre siècles plus tôt par Osman l'artiste:

Cinq cents miniatures d'une rare finesse y racontaient les cinquante-deux jours et cinquante-deux nuits de fêtes qui célébraient la circoncision du fils de Mourad III, en 1582, au siècle de toutes les gloires.

À l'origine le volume comptait deux cent cinquante double pages. Il en manquait quinze. En dix ans Vahdettin en avait retrouvé quatorze grâce à deux habiles antiquaires du Bazar, Danilo, un Juif, Spiro, un Grec.

Ce que Gülgül ignore c'est que son père naturel, Musa Bey, ancien derviche, a juré au sultan de ne jamais révélé sa paternité, que sa mère, une Arménienne, morte en couches, a dû épouser Ahmet, son père adoptif.

Musa Bey, cousin de Danilo, est chargé par le sultan d'enseigner à Gülgül la fabrication des encres et la calligraphie. Il doit se retenir de faire preuve d'affection pour lui, car ce serait trahir son pacte avec le sultan...

Le Bazar, où se joue l'avenir financier du pays, est le camp des minoritaires, c'est-à-dire des Grecs, Juifs et Arméniens. Or le vainqueur des Dardanelles, Kemal, pourrait bien un jour faire l'unité, à leurs dépens.

L'histoire se déroule dans ce contexte de fin de règne de Mehmet VI en 1918 et 1919, de reconstitution à son détriment du Surnâmé, puis de l'avènement de Kemal en 1922. Gülgül prendra un nouveau départ en 1935...

Gülgül aura connu des hauts - il aura été une gloire nationale en lutte -, des bas - il aura été inquiété parce que fils d'un dönmé, un Juif converti à l'islam, mais un Juif. Ses loyauté et perspicacité n'y auront rien changé.

Pendant toutes ces années, cet ibné 1 aura été initié à l'amour physique avec des femmes dans une maison close et été aimé par une femme plus âgée. Il aura pu rendre grâce à ses trois pères: Ahmet, Sabri et Musa...    

   

Francis Richard

1 - Homosexuel.

NB

Ce volume est le premier de La trilogie de Constantinople.

Le danseur oriental, Metin Arditi, 400 pages, Grasset

Romans précédemment chroniqués:

Le Turquetto, 288 pages, Actes Sud  (2011)

Prince d'orchestre, 380 pages, Actes Sud (2012)

La confrérie des moines volants, 350 pages, Grasset (2013)

Juliette dans son bain, 384 pages, Grasset (2015)

L'enfant qui mesurait le monde, 304 pages, Grasset (2016)

Carnaval noir, 400 pages, Grasset (2019)

Rachel et les siens, 512 pages, Grasset (2020)

L'homme qui peignait les âmes, 304 pages, Grasset (2021)

Tu seras mon père, 368 pages, Grasset (2022)

L'île de la Française, 234 pages, Grasset (2024)


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