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Je m'appelle Adèle Carlier, j'ai 52 ans et j'ai atteint ce no woman's land.
Adèle est une femme libre, ayant choisi ses servitudes pendant trente ans: habitudes consenties, travail excitant, voyages, mariage heureux, maternité épanouie, amitiés fidèles.
Son travail? Une émission tri-hebdomadaire sur une radio bruxelloise à grande audience que ses enthousiasmes, exprimés sur son blog, ont valu à cette passionnée de lecture.
Un jour, Jean, le directeur de la radio, lui annonce, après vingt ans d'antenne, que le conseil d'administration a décidé d'arrêter son émission, de renouveler la grille des programmes:
Une femme n'a pas le droit de vieillir. Encore moins à l'antenne.
Si Adèle, narratrice en quête du héros parfait, a écrit deux romans, elle n'est pas assez satisfaite des résultats pour les proposer à un éditeur. Tous les matins, elle continue d'écrire:
Mon héros accompli se devait d'être un ami que je finirais par prendre pour une personne véritable, existant en dehors du texte.
Au même moment, Emma, la trentaine, chavire à Paris. Elle enseigne la philosophie. Une de ses élèves s'est suicidée après que sa photo dénudée a circulé sur les réseaux sociaux.
Emma a appris un jour par ses parents qu'ils l'avaient adoptée, sans le savoir, via un réseau d'escroquerie opérant en Ouganda. Pour retrouver ses racines, elle s'est intéressée à l'islam.
Adèle et Emma ignorent encore que leurs routes se croiseront, après avoir refusé l'une et l'autre un emploi de substitution qui ne leur sied pas et s'être disputées avec leur homme.
L'une et l'autre emprunteront le chemin de Compostelle et s'y rencontreront. La plume de l'une et le voile que porte l'autre les empêchant d'être transparentes aux yeux des autres.
Elles se compléteront, l'une personnifiant l'expérience et la raison, l'autre la fraîcheur et la foi, marcheront avec d'autres pèlerins qui, après les avoir entraînées, les laisseront seules.
Pour Adèle, marche et écriture signifient lutte contre l'immobilisme, lui permettent d'être une quinqua magnifique et indocile, d'échapper au contrôle et de donner un sens à sa vie:
Voilà pourquoi, sans doute, on gouverne en sédentarisant et on domine en brûlant les livres, se dit-elle.
Pour Emma, marche et voile signifient effort et retranchement, lui permettent d'être féministe et musulmane. Toutes deux portent en elles la révolte, diffèrent par la détermination.
L'épilogue explicite le titre du roman d'Isabelle Bary. Adèle, en racontant cette histoire, s'est libérée de ses câbles d'acier. Dès lors commence pour elle Le second printemps.
Francis Richard
Le second printemps, Isabelle Bary, 370 pages, 180° éditions
Livres précédents aux Éditions Luce Wilquin:
Les dix-sept valises (2018)
Ce qu'elle ne m'a pas dit (2016)
Zebraska (2014)
Livre précédent chez J'ai lu:
Zebraska (2020) (Nouvelle édition revue et augmentée)