C'est l'histoire de David Lightman, un jeune cancre américain de 17 ans qui
possède dans sa chambre un ordinateur avec écran hublot et gros modem. Juste
avant que notre héros se connecte à l'histoire, nous suivons une réunion au
Norad (Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord) où il est
décidé, contre l'avis des militaires, de ne plus avoir recours à des agents
humains pour lancer des missiles, mais plutôt au système WOPR (War Operation
Planned Response), réputé infaillible.
Première acte de bravoure de notre héros hacker : changer ses notes de
biologie et celles d'une copine, directement depuis sa chambre avec sa grosse
babasse : un coup de fil à l'ordinateur, le login récupéré dans le tiroir
de la secrétaire du dirlo et hop le tour est joué, c'est comme cela que ça se
passe dans les écoles américaines en 1983 !
Le lendemain matin, David feuillette une brochure Protovision qui annonce le
lancement de nouveaux jeux : ni une ni deux il fait composer toute la nuit
le modem afin qu'il trouve le numéro d'accès au serveur de Protovision. Eh oui,
à cette époque on n'a pas encore inventé le Web et on ne trouve pas encore de
www en bas de chaque pub pour des serviettes hygiéniques ou du café.
La scène suivante apprend à David le concept de backdoor : chaque
développeur se créé un login particulier pour accéder directement au système
pleinement fonctionnel, il « suffit » de connaître cet accès pour
pénétrer indûment dans le système (une astuce qui sera pas mal utilisée plus
tard de l'autre côté de l'Atlantique, avec le Minitel).
Le jeune adolescent se met alors en quête (sans Jennifer) de la backdoor qui
pourrait lui donner accès au jeu désiré. A partir du nom du jeu « Falken's
Maze », il découvre que Falken est un scientifique décédé en 1973 et qui avait
créé un système qui apprenait de lui-même à apprendre, un modèle primitif
d'intelligence artificielle, en somme. Sa femme et son fils Johua sont décédés
tragiquement dans un accident de voiture. David se connecte avec le login
joshua et crac, le système le reconnaît comme le professeur Falken. Ce qui est
chouette, c'est que l'ado possède en plus un module de synthèse vocale qui
renforce l'impression de se croire dans un film. A noter que le serveur demande
un logon et même pas de mot de passe. Si un internaute peut m'expliquer la
différence entre login et logon, je suis preneur.
« Global Thermonuclear War », répond cette bourrique de David, qui prend
illico les Russes pour attaquer Las Vegas et Seattle, sa hometown.
Changement d'ambiance, ça commence à s'agiter du côté des gros bonnets de la
Norad qui ont détecté sur leur écran gigantesque une attaque des Ruscofs.
L'alerte tourne court car David s'est déconnecté pour descendre les poubelles
(eh oui, tout nerd reste humain) mais on en parle tout de même à la télé, ce
qui panique pas mal David. Heureusement que Jennifer est là pour le calmer
(comment, je ne vous le dirai pas).
Malédiction, le serveur rappelle chez David et entend bien continuer la partie,
malgré le fait que David arrache la prise du téléphone. Ce qui devait arriver
arriva : le FBI débarque chez David et l'embarque devant les yeux médusés
de ses parents. Après quelques péripéties tues grâce à une habile ellipse,
David arrive à s'échapper après avoir enregistré sur un petit magnéto la
fréquence vocale du code d'ouverture de sa geôle. La reproduction sonore de
signal est une technique détournée pour la première fois par le fameux Captain
Crunch, premier des phreaks, pour téléphoner gratuitement (nous y reviendrons
dans un autre billet).
Encore plus fort, David utilise une bout de métal pour obtenir la ligne dans
une cabine téléphonique (je connaissais le coup de l'allume-gaz pour créditer
le flipper mais pas celui-ci, de toutes façons on s'en fiche, les cabines
téléphoniques n'existent quasiment plus en France). Il appelle Jennifer et elle
le rejoint – un peu facilement il faut le reconnaître messieurs les
scénaristes. Tous les deux ils prennent un bateau et débarquent sur une île où
ils retrouvent le véritable Falken, même pas mort, mais en fait caché parce que
c'est lui l'inventeur de la créature surpuissante et artificiellement
intelligente que l'on appelle WOPR (je l'ai bien aimé ce film, moi).
De fils en aiguille, on se retrouve tout de même au niveau Defcon 2 (Defense
Condition), le suivant signifiant l'état de guerre nuclaire, brrrr. Le WOPR se
complaît à faire clignoter toutes ses lumières rouges et jaunes pour faire
genre je cogite à donf, je vous prépare un méga-champignon qui restera dans les
annales. Ah oui, ça me fait penser que sur l'île du savant fou, nos deux jeunes
héros ont failli conclure. S'ils avaient pu le faire, je ne serais pas là à
vous narrer cette histoire puisque la bombe nous aurait tous bel et bien
grillé. Mais nos jeunes frustrés préfèrent rentrer au Centre de commandement en
Jeep, accompagné de leur chaperon Falken. Celui-ci arrive à persuader
l'ensemble des troufions supérieurs que tout cela est une simulation, du bluff
!
Malheureusement il n'est plus possible de désengager les missiles et le système
vicelard cherche à deviner tout seul les codes de lancement. David a alors une
idée de génie, il enclenche sur le système une partie de Tic-Tac-Toe (que l'on
appelle également « morpion », mais ça n'aurait pas super plu à Jennifer)
mais au lieu de se prendre le chou comme on a pu le faire nous avec Merlin, il
fait jouer l'ordinateur contre lui-même. Ce qui ne tarde pas à provoquer
moultes explosions synonymes des plantages que rencontre le WOPR abusé (et
c'est là qu'on remercie Bill Gates d'avoir inventé l'écran bleu de la mort,
c'est moins dangereux).
Le problème qui embête notre ami très artificiellement intelligent, c'est
que dans une guerre nucléaire, personne ne gagne (t'entrevois la morale, ami
lecteur qui m'a suivi jusqu'ici ?), ce qui n'arrange pas les affaire de notre
tas de ferraille binaire. Qui conclut vaincu : « a strange
game : the only winning move is not to play. »
Voilà, le monde est sauvé et finalement, on a vu moins d'ordinateurs que je
l'espérait au début du film. On retiendra tout de même que David réalise ses
exploits à partir d'un IMSAI 8080 associé à un modem de type coupleur
acoustique. Un dispositif pas forcément à la pointe de la technologie car,
comme nous l'apprend Wikipedia (http://fr.wikipedia.org/wiki/IMSAI_8080), ce type de modem était déjà
dépassé en 1983 et le modèle d'ordinateur présenté était sorti aux Etats-Unis
sept ans auparavant !
Au-delà de cet aspect matériel, nombre de situations et de clichés sont mis en
place dans le film, certains pour la première fois exposés à la vue du grand
public. C'est le cas évidemment du jeune hacker prodige, américain Wasp qui n'a
rien d'un terroriste mais cherche juste à accomplir des prouesses. La chambre
close ouverte sur le cyber-monde grâce au modem donnera lieu également à
d'autres représentations ultérieures. Enfin, non des moindres, la thèse
cybernétique selon laquelle les machines serviront avant tout à pallier les
faiblesses des hommes, et ainsi à préserver l'humanité de sa chute, est ici
battue en brèche. Une remise en cause des progrès de la science post-Hiroshima
incarnée par le pessimiste professeur Falken : « l'extinction fait
partie de l'ordre naturel des choses ».
Revivre l'aventure en texte : http://www.cswap.com/1983/WarGames/cap/fr
Article Wikipedia sur le film : http://fr.wikipedia.org/wiki/WarGames