Nous avons déjà vu que la Seine était vénérée à sa source, mais ce fut sans doute aussi le cas de l'Yonne, dont le nom ancien Icauna, de formation celtique, signifie "celle-qui-donne-l'eau", le radical ic- renvoyant très probablement à l'eau surgissante. Notre Gaule est couverte de noms de lieux issus de ce radical, et témoingnant encore d'un culte autour d'une source sacrée : ainsi Hyds dans l'Allier, Issoire dans le Puy-de-Dôme, Les Isles-Bardel dans le Calvados, ou encore Is-sur-Tille en Côte-d'or. Les déesses Mères, Matronae, divinité caractéristiques du monde celtique, sont aussi le plus souvent vénérées près de sources qu'elles étaient réputées protéger. Ainsi, dans l'Aisne, à Ognes, le toponyme Maronne, qui remonte à matrona, désigne une fontaine qui fut probablement sacralisée. En Isère, à Meyrié, qui remonte peut-être à un ancien Matriacum, se trouve une important source guérisseuse, qui attira jusqu'au XIXème des foules de pèlerins de tout le nord-Isère. Enfin, de nombreux noms de lieux formés sur dev-/div- désigne également des sources sacrées. Ainsi de la grande ville de Dijon, dont Grégoire de Tours (VIème siècle) nous apprend qu'elle était réputait pour le nombre de ses fontaines et la qualité de ses eaux ; dans le Cantal, se trouve le hameau Dijon (commune de Monteil), certes moins célèbre que la capitale des ducs de Bourgogne, mais dont l'étymologie remonte également à une source sacrée. Il en va de même pour Dive, dans l'Orne.
Que les Gaulois d'aujourd'hui s'en souviennent : en un temps où le monde est souvent perçu comme une chose morte, inerte et que l'on peut piller allègrement, il serait peut-être bon de redonner toute leur valeur aux éléments dont dépend toute vie.
Arthur Lamarche.