Rome, dans l’imbrication des âges
Pour ceux qui auraient déjà oublié, ou qui se trouvaient loin de l’Italie en cette fin de mois de mai, il suffit de relire les grands quotidiens, ou de se faire communiquer les compte rendus de la session du Parlement européen de cette semaine là pour se rendre compte de la violence induite par quelques mots, quelques phrases de différents ministres ou élus locaux italiens, et en particulier les déclarations du nouveau Maire de Rome, pour se replonger dans un épisode violent qui n’est pas sans rapports avec l’itinéraire culturel sur lequel nous avons travaillé.
Je suis rapidement repassé par Fidenza avant de retourner au Luxembourg pour préparer la prochaine mission en Sicile. Je sais, j’aurais dû continuer directement vers le Sud, mais on ne fait pas toujours ce qu’on veut. En tout cas, le train du retour étant plus civilisé, j’ai pu écrire sur mon ordinateur et lire les journaux. J’ai été édifié.
Il n’en reste pas moins en effet qu’avant hier, autour de la table, à Cagli entre politiques qui sont surtout membres du Parti Démocrate, on évoquait la difficulté de faire arriver un itinéraire à Rome, au moment où le Maire Gianni Allemano doit bien s’apercevoir qu’au travers de sa campagne sécuritaire relayée par un projet de loi spécifique aux Roms, il a libéré la meute et que ce dimanche, ce sont des Pakistanais qui ont été agressés dans la boutique de proximité d’un quartier périphérique de la capitale italienne.
On n’oublie pas qu’il s’agit là d’un ancien fasciste et qu’il ne le cache pas !Ce n’est pas que dans l’entourage du maire précédent, candidat malheureux, chef du Parti Démocrate aux dernières élections, Walter Veltroni, on n’ait pas parlé de nuages noirs, surtout quant en octobre 2007, une femme proche de la cinquantaine a été agressée. Un plan anti Roms, un nouveau « Traité de Rom » s’était mis en place dans un contexte politique “de gauche” contre lequel mes amis Roumains ont fortement réagi, tout en craignant pour leur sort lors de prochains voyages en Italie, bien que citoyens de l’Union Européenne.
Mais aujourd’hui le mot d’ordre est vraiment au nettoyage. Je n’ai pas dit ethnique, car il faut raison garder, mais on n’est pas loin du fameux karcher.On reste encore à la limite des mots et des insultes, on recense, on émet des messages qui vont du racisme le plus profond à la volonté de trier entre le bon et le mauvais. On parle quoi ! Mais la cible est large et le déclanchement du racisme a toujours libèré des pulsions qui ne demandent qu’à s’exprimer.
A Bruxelles le Commissaire Valdimir Špidla a joué son rôle, tandis que la députée Rom Hongroise Viktória Mohácsi qui revenait d’Italie en déclarant que « le gouvernement italien est dur avec les faibles et faible avec les forts : quand il y a des difficultés avec la Camorra, on s’en prend aux Roms afin de ne pas s’attaquer aux vrais problèmes » a dû entendre la remarque de Luca Romagnoli demandant la création d’un « Etat rom dans l’Est, ou ceux-ci pourraient se gouverner de manière autonome ». Sachant que la Hongrie a reconnu un Parlement autonome des Roms, cela ne manquait pas d’humour involontaire.
Tous ces faits, en évitant de rapporter les termes les plus injurieux, inquiètent mes amis à Cagli et j’ajoute à leur endroit, pour qu’ils soient mieux informés, que vu la confusion entre Roms et Roumains, je pense que le délégué du Ministère de la Culture roumain, en fait le Secrétaire Général du Ministère qui fait partie du « jury » qui examinera la proposition de Route de la Paix aboutissant à Rome, ne manquera pas de relever les contradictions.Et dans cette remarque, je comprends soudain qu’une bonne partie de ceux qui sont réunis autour de cette table, font eux-mêmes la confusion entre Roms et Roumains et n’ont pas imaginé unseul instant qu’une Route de la Paix pourrait aussi venir, sur les pas de Trajan, de Roumanie vers Rome. De Roumanie, mais ne s’agit-il pas d’un état composé de Roms ? De voleurs quoi ?
Comme on le voit, il reste toujours du travail, même en direction des plus ouverts…mais le titre de l’itinéraire n’est il pas libellé maintenant « Une voie historique de paix pour le futur » ou « Verso il Futuro ». Alors le futur sera fait de bien des apprentissages.
Chacun connaît l’histoire de ce Juif de Russie à qui on refuse d’attribuer un visa pour émigrer en Israël sous le prétexte qu’en Russie il n’y a ni racisme ni antisémitisme. Il revient à la charge auprès du fonctionnaire responsable des visas en lui affirmant que c’est devenu encore plus urgent car il a entendu dire qu’on allait massacrer les coiffeurs et les Juifs. « Pourquoi les coiffeurs, lui demande d’un air incrédule le fonctionnaire. » Et le Juif de se plaindre doucement : « Je vous l’avais bien dit ».
Pourquoi les Roumains ?