Un rapport de la Banque mondiale met en évidence un potentiel "énorme" de développement de projets dans le cadre du Mécanisme de Développement propre (MDP) en Afrique. L'étude a été rendue publique lors du premier forum Pan Africain du Carbone à Dakar au Sénégal.
A ce jour, la part de l'Afrique Subsaharienne représente une fraction minime des projets développés dans le cadre de la Convention Cadre des Nations Unies pour le Changement Climatique (CCNUCC), de l’ordre de 1,4% sur un total de 3.700 projets soumis. Le rapport (« Projets énergétiques propres pour le développement de l’Afrique Subsaharienne : Révéler le potentiel, Eliminer les barrières ») montre qu'il ne doit plus en être ainsi et qu’il existe un potentiel MDP énorme, pas encore révélé, dans ces pays.
Ce rapport constitue une première tentative du genre à inventorier le potentiel des projets d'énergie propre en Afrique subsaharienne qui pourraient bénéficier de l'appui du MDP/Financement Carbone et probablement des nouveaux Fonds d’Investissement Climat, visant à établir la provision d’une alimentation en énergie suffisante, fiable et à coût raisonnable.
«Ce rapport montre le potentiel technique énorme pour des projets d'énergie propre en Afrique subsaharienne», affirme l'auteur principal du rapport Christophe de Gouvello, Spécialiste principal en énergie à la Banque mondiale. «Si correctement intégrés à l'aide sectorielle conventionnelle déjà fournie par les partenaires au développement, les instruments internationaux de financement en corrélation avec les changements climatiques peuvent relancer le développement de l'énergie en Afrique.» rajoute M. Gouvello.
Pour les 44 pays et les 22 technologies traitées dans cette étude, l'équipe a évalué un potentiel technique de plus de 3.200 projets d'énergie à basse émission de carbone, y compris 361 grands programmes (aussi appelés programmes d’activités dans le jargon MDP), constitués chacun de centaines, voire de milliers d'activités individuelles. Si ces projets MDP potentiels étaient entièrement réalisés, ils fourniraient plus de 170 GW de capacité de production d'électricité supplémentaire, soit plus de double de la capacité actuellement installée dans la région. L'énergie supplémentaire fournie, à la fois électrique et thermique, serait environ égale à quatre fois le volume de la production actuelle d’énergie commerciale de la région.
"Mais ceci est à prendre avec précaution", tempère Massamba Thioye, consultant international co-auteur du rapport. "Même si l’analyse technique a été réalisée, l’analyse économique reste à faire pour chaque projet. Des projets similaires réalisés dans d’autres régions montrent que souvent la prise en compte des revenus carbone dans le montage financier améliore la rentabilité économique de ces projets".
La réalisation de ces projets correspondrait à l’évitement dans le future des émissions de gaz à effet de serre de l’ordre 740 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an, ce qui est d’ailleurs supérieur à la quantité actuelle des émissions de gaz à effet de serre de la région estimée à 680 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an. Deux courbes de coûts d'investissement unitaires ont été créées, l’une pour les coûts d’investissement requis pour réaliser les réductions de GES et l’autre pour les coûts d’investissement requis pour l’augmentation des capacités de production. Une estimation prudente du total des investissements nécessaires pour le potentiel est de l’ordre de 157 milliards de dollars (Si le coût d’investissement des grands projets de récupération des gaz torchés pouvait être calculés, ce chiffre excéderait probablement les 200 milliards de dollars).
Le mot clé ici est "le potentiel". Les auteurs révèlent en effet les barrières majeures qui ont limité jusqu'à présent l’implantation de projets MDP en Afrique Sub-saharienne. Parmi ces barrières, il est essentiel de combler les lacunes réglementaires et logistiques qui empêchent les projets d’énergie propre d’accéder au marche énergétique ; l’accès au marché de l’énergie requiert une planification des infrastructures et des politiques pour venir à bout des goulots d’étranglement logistiques ; les informations techniques sur les technologies d’énergie propre confirmées doivent être plus amplement diffusées ; les qualifications locales nécessaires pour utiliser les technologies propres déjà disponibles commercialement doivent être développées ; néanmoins les financements carbone seuls ne pourront combler le fossé existant en matière de financement d’investissement. Les fonds d’investissement climat sont essentiels.
"Par ailleurs, le déficit énergétique en Afrique Subsaharienne est énorme" dit Dana Rysankova, Spécialiste principale en énergie au Département Région Afrique de la Banque Mondiale. «La capacité totale de production d’énergie en Afrique Subsaharienne est inférieure de celle de l’Espagne. 500 millions de personnes n’ont pas accès a l’électricité. Il est estimé que les pays africains auront besoin de dépenser au moins 6% du produit intérieur brut dans le secteur de l’énergie, durant les 10 prochaines années pour pouvoir rattraper leur développement économique.
Le rapport a été rendu public au Forum PanAfricain du carbone, une première sur le continent, qui combine une foire commerciale du carbone, une conférence et un forum de discussion sur les politiques à mener, y compris au sujet du renforcement de capacité des points focaux changement climatique basés au niveau des administrations et des acteurs du marché du carbone en Afrique.
Il regroupe des analyses exhaustives réalisées dans 44 pays d'Afrique subsaharienne (anglophones, francophones et lusophones) et répertorie les opportunités de projets d’énergie renouvelable à travers divers secteurs au niveau de la production, transport et consommation, et d’efficacité énergétique par rapport à la demande dans ces pays.
C’est ainsi que l'équipe d'étude a utilisé le cadre des méthodologies MDP, associé au protocole de Kyoto (plus de 100 méthodologies approuvées), dont plusieurs ont déjà été appliquées avec succès dans des projets dans d'autres pays en voie de développement. Le rapport a été financé par le Fond Fiduciaire Norvégien pour l’Infrastructure et le Secteur Privé (FTN-ISP) et par le Programme Carbone Finance Assist de la Banque mondiale.
(Carbonfinance - 04/09/08)