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«Une autre femme » de Woody Allen

Par Etcetera
«Une autre femme Woody Allen

J’avais vu « Une autre femme » de Woody Allen à sa sortie en salles, en 1989, et ça m’avait plu, même si j’avais senti que le cinéaste new-yorkais visait un public nettement plus âgé. En effet, l’héroïne (Marion, jouée par la grande Gena Rowlands) est une quinquagénaire en pleine remise en cause de sa vie, une femme à l’heure des bilans. Woody Allen lui-même (né en 1935) avait 53 ans quand il a tourné ce film et nul doute que certaines grandes questions de cet âge-là le concernaient aussi.
Bref, revoir ce film trente-cinq ans plus tard, en me situant cette fois dans la tranche d’âge des principaux personnages, a été une expérience très intéressante !

Note technique

Nationalité : États-Unis
Date de sortie en salles : octobre 1988
Durée : 1h20

Résumé du début de l’histoire

Marion est une brillante intellectuelle, prof de philosophie à l’université, âgée de cinquante ans. Elle a loué un petit appartement à l’écart de sa famille pour pouvoir écrire un livre. Mais elle s’aperçoit vite que, dans ce nouveau logement, elle peut entendre tout ce qui se raconte dans le cabinet médical voisin, celui d’un psychiatre. Peu à peu, Marion se prend d’intérêt pour une jeune patiente dépressive, qui a la particularité d’être enceinte, et dont les propos lui paraissent bouleversants. Ce qu’elle lui entend dire semble avoir beaucoup d’écho en elle. Cela l’amène à se pencher sur son propre passé, à repenser aux personnes importantes de sa vie, à faire une sorte de bilan.

Mon avis

«Une autre femme Woody AllenKlimt, « L’Espoir », 1903

C’est l’analyse psychologique d’une femme, Marion, à travers des souvenirs de son passé ou des discussions qu’elle a avec son entourage. Dans les toutes premières scènes, elle nous dit que sa vie va bien mais qu’elle préfère ne pas trop creuser le sujet. Et, en effet, elle a très bien réussi sa vie professionnelle, elle est une intellectuelle reconnue, elle a épousé un cardiologue amateur d’opéra et ils mènent ensemble une vie sociale très animée, voyant chaque soir des amis de leur classe sociale huppée.
Mais le fait d’entendre par hasard les confidences d’une jeune femme chez le psychiatre va réveiller chez Marion des remémorations, des introspections. On se rend compte que sa vie est très loin d’être une réussite, malgré les apparences brillantes. Sur le plan humain, elle a commis beaucoup d’erreurs. Elle recroise des personnes de son passé qui lui disent « ses quatre vérités » et elle accuse le coup.
On peut s’interroger sur les ressemblances entre le personnage de Gena Rowlands et celui de Mia Farrow. L’une est jeune, dépressive, enceinte, d’apparence très fragile tandis que l’autre, plus âgée, semble une femme très forte, une maîtresse femme, et elle n’a jamais eu d’enfant. Leurs différences paraissent, à première vue, plus grandes que leurs points communs. Et pourtant, Marion comprend des choses sur elle-même en écoutant « Hope » (la jeune femme) parler.
Il y a une certaine importance de l’art symboliste et, plus généralement, de l’esthétique « fin de siècle » durant le film, avec des évocations de tableaux de Klimt (« L’Espoir« ) et de Munch (« La Vampire« , « Le Baiser« ) de même que la citation d’un poème de Rilke particulièrement sombre : « La Panthère« . Plus généralement, l’atmosphère du film m’a fait penser parfois à celle des pièces d’Ibsen, et de manière encore plus évidente à certains films d’Ingmar Bergman, par les couleurs, les lumières, les dialogues. Peut-être qu’une certaine image de la femme, véhiculée par les symbolistes, se retrouve dans le caractère froid, dur, séducteur, assez toxique, de Marion.
A certains moments, on ne sait pas vraiment si on est dans la réalité ou dans un rêve de l’héroïne. Par exemple, quand elle entre dans le cabinet du psychiatre et que la jeune femme enceinte quitte la pièce et la croise sans la voir. On se dit que l’ensemble du film, du début à la fin, pourrait n’être qu’une longue méditation de Marion, une construction mentale, avec ses regrets, ses remords, ses doutes, ses visions.
Un très beau film, intelligent, sombre, mais avec une fin plutôt optimiste. A voir aussi pour Gena Rowlands, dont c’est un des grands rôles !

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