FESTA SEPTEM DOLORUM BEATAE MARIAE VIRGINIS
(BEATAE MARIAE VIRGINIS PERDOLENTIS)
Notre-Dame des Douleurs (aussi appelée Notre-Dame de la Miséricorde, Notre-Dame du Soledade, Notre-Dame des Angoisses, Notre-Dame
des Larmes, Notre-Dame des Sept Douleurs, Notre-Dame du Calvaire ou encore Notre-Dame du Pranto, et invoquée en latin comme Beata Maria Virgo Perdolens, ou Mater Dolorosa) est
l'un des titres par lesquels l'Église Catholique vénère la Vierge Marie.
On trouve les premières traces de la dévotion aux douleurs de la Vierge, à la fin du XI° siècle, particulièrement dans les écrits de
saint Pierre Damien (+1072), de saint Anselme (+1109), d’Eadmer de Cantorbéry (+1124), de saint Bernard (+1153) et de moines bénédictins et cisterciens qui méditent le passage de l'Evangile qui
montre Marie et Jean au pied de la Croix.
Saint Anselme écrit : "Votre peine, Vierge sacrée, a été la plus grande qu'une pure créature ait jamais endurée ; car toutes les
cruautés que nous lisons que l'on a fait subir aux martyrs, ont été légères et comme rien en comparaison de votre douleur. Elle a été si grande et si immense, qu'elle a crucifié toutes vos
entrailles et a pénétré jusque dans les plus secrets replis de votre cœur. Pour moi, ma très pieuse Maîtresse, je suis persuadé que vous n'auriez jamais pu en souffrir la violence sans mourir,
si l'esprit de vie de votre aimable Fils, pour lequel vous souffriez de si grands tourments, ne vous avait soutenue et fortifiée par sa puissance infinie".
Le culte à la Mater Dolorosa apparaît officiellement en 1221, au Monastère de Schönau, en Allemagne. En 1239, dans le
diocèse de Florence en Italie, l'Ordre des Servites de Marie (Ordo Servita) fixe la fête de Notre-Dame des douleurs au 15 septembre.
La Compassion de la Vierge au pied de la Croix alimenta la piété des fidèles jusqu'au XV° siècle. Jacopone de Todi nous a laissé le
chef d'œuvre du genre dans le STABAT MATER. La messe de Notre-Dame des douleurs comprend ce poème de compassion.
Les XIII° et XIV° siècles ne contemplent que la douleur de Marie au pied de la Croix, comme en témoignent les écrits franciscains de
saint Bonaventure ou de saint Bernardin de Sienne (1380-1444), et les écrits dominicains de Jean Tauler (1294-1361), du bienheureux Henri Suso (1295-1366) ou de saint Antonin (1389-1459) ;
c’est encore l’objet unique de l’office de la Compassion de la bienheureuse Vierge Marie instituée par le concile de Cologne (1423), comme de celui que les Annonciades célébraient, au début du
XV° siècle, le lundi de la semaine de la Passion. A cette époque, le culte de Marie sous le titre de Mater Dolorosa prend une extension considérable, singulièrement dans les
Flandres.
Il faut attendre le XIV° siècle pour que l'on parle communément des sept douleurs (sept glaives) de la Vierge : la prophétie du
vieillard Siméon, le massacre des Innocents et la fuite en Egypte, la perte de Jésus au Temple de Jérusalem, l'arrestation et les jugements du Christ, la mise en croix et la mort du Christ, la
déposition de la croix et la mise au tombeau.
Au cours des temps, comme elle l’avait déjà fait pour ses joies, la piété populaire étendit la compassion de la Vierge à toute sa
vie, mais il est assez difficile d'en suivre l'évolution. Le nombre sept allait bientôt l'emporter, sans doute en rapport avec la célébration des sept joies de la Mère de Dieu que les
fondateurs de l’Ordre des Servites célébraient chaque samedi et que saint Louis d’Anjou, franciscain et archevêque de Toulouse (+1297) offrait après les Complies.
Signalons quelques schémas.
Le chiffre de sept, si aimé des symbolistes chrétiens, imposait un choix parmi les épisodes de la vie de la Vierge ; la série
suivante finit par l'emporter : la prophétie de Siméon, la fuite en Egypte, la perte de Jésus à Jérusalem, la rencontre de Jésus sur le chemin du Calvaire, le crucifiement, la descente de
croix, la mise au tombeau.
Ces sept douleurs furent pour la première fois exprimées d’une façon formelle, par Jean de Coudenberghe, doyen de Saint-Gilles
d’Abbenbroeck, curé de Saint-Pierre-Saint-Paul de Reimerswal, et de Saint-Sauveur de Bruges : pendant la guerre civile qui suivit la mort de Marie d’Autriche, duchesse de Bourgogne, il fit
placer dans ses églises une image de la Vierge avec une inscription mentionnant ses sept douleurs, pour qu’on la vénérât en lui demandant la cessation des fléaux. Là, en 1492, il se forma une
confrérie de Notre-Dame des Sept Douleurs, favorisée par le duc de Bourgogne, Philippe le Beau, dont le confesseur, le dominicain Michel François de Lille, avait composé un ouvrage sur les
douleurs de Marie (1495) ; cette confrérie qui célébrait la fête de Notre-Dame des Sept Douleurs le dimanche dans l’octave de l’Ascension, fut approuvée par le Pape Alexandre VI Borgia (1495).
C’est encore à cette confrérie, dans un livre de miracles (1510), que l’on doit la première représentation de la Vierge avec les sept glaives. En action de grâce pour les miracles on établit
une fête à Delft (1° octobre) et à Bruges (13 novembre) où Marguerite d’Autriche fonda un couvent en l’honneur de Notre-Dame des sept douleurs.
La fête de la Compassion, de Notre-Dame des Douleurs ou de Notre-Dame de Pitié, ou encore de la Transfixion de Notre-Dame, est
instituée au concile de Cologne (1423) contre les Hussites qui désolent les églises et détruisent les saintes images, et fixée au vendredi après le dimanche de la Passion : "afin d’honorer
l’angoisse et la douleur qu’éprouva Marie lorsque, les bras étendus sur l’autel de la Croix, notre Rédempteur Jésus-Christ s’immola pour nous et recommanda cette Mère bénie à saint Jean (...)
surtout afin que soit réprimée la perfidie des impies hérétiques Hussites". Cette fête est célébrée pour la première fois à Bruges en 1494, puis ailleurs ; elle entre en France par Paris,
Angers et Poitiers. Et Benoît XIII l'étendit à toute l'Eglise latine (22 avril 1727) elle a été inscrite au martyrologe par Sixte IV (1471-1484).
Après avoir été fixée à des dates différentes , elle est définitivement marquée au vendredi de la première semaine de la Passion,
avec le titre des Sept Douleurs. Benoît XIII l’étend à toute l'Eglise latine (22 avril 1727).
La fête de Notre-Dame des douleurs qui a subsisté dans la liturgie postérieure à Vatican II, vient des Servites qui l'obtinrent de
Clément IX. Depuis 1668 l’Ordre des Servites commémorait les Sept Douleurs au troisième dimanche de septembre, ce qu’Innocent XI leur confirma comme un privilège propre. Adoptée par le
Saint-Empire (1672) elle fut enrichie d'indulgences pour les fidèles par Clément XI (1704). Rendu à la liberté, Pie VII étendit cette fête à l'Eglise universelle (18 septembre 1814) ; lors de
la réforme du bréviaire, saint Pie X la fixa au jour octave de la Nativité de Notre-Dame, le 15 septembre (1908). Dans le calendrier festif de Paul VI, la première fête, celle du vendredi après
le dimanche de la Passion, la plus ancienne, disparut, mais l’on conserva la seconde, celle du 15 septembre. La liturgie de la Messe comprend toujours la Séquence « Stabat Mater
».
Mgr Jacques MASSON