Gloire à la cuillère ! Sus aux couverts et canines !

Par Estebe

Bonjourno,

"La défaite". Estèbe 2008. Quatrième prix au festival d'images militaires de Montluçon.


La cuisine contemporaine a deux dadas: le manger avec les doigts et le manger sans les dents.
On s’explique. Rien de plus branché que de sluncher, de lunch-boxer, de pique-niquer, de picorer, d’apéro-dîner, de finger-fooder. Bref, de nourrir ses potes et proches de bouchées, cakes salés, wraps, tartelettes, bruschettas et autres petits mets charmants à attraper avec les mimines. La moitié des bouquins du rayon miam de la libraire du coin sont consacrés à ce trend-là. Nombre de recettes de ce blog itou.

L’autre moitié des livres du même étal, ben, ils coulent: soupes, veloutés, émulsions, jus variés. Oui, la modernité aime sa popote liquide. Preuve en est la cuisine moléculaire qui blende, siphonne et espumate à tire-larigot. Pendant que les bobos du Monde Libre s’envoient des hectolitres de smoothies en rigolant. La mastication? Top ringarde. A ce rythme-là, nos râteliers, condamnés au chômage technique, risquent fort de se déchausser par désœuvrement. La canine a le blues. La molaire déprime.

Plus triste: ces tendances, certes exquises, expédient les couverts aux oubliettes. Dans un monde d’amuse-bouches et de jus de légumes, qui a encore besoin de couteaux et de fourchettes? Hein? On ne voudrait pas annoncer la mort prochaine de l’argenterie de votre Tante Ursule, mais c’est mal barré. Elle risque fort de se retrouver fissa dans une vitrine du Musée des curiosités culinaires anciennes (qui est à Vierzon, sauf erreur).

La grande gagnante de tout ce tralala, c’est, je vous le donne en mille,… la cuillère. Applause! Elle qui s’est faite indispensable pour se slurper les verrines et granités. Ou pour abriter vos exquises bouchées apéritives. Bref, cette bonne vieille cuillère entame le nouveau millésime le torse bombé et le manche dressé. La voilà qui règne sur tous le repas, des tapas à la soupe de figue. La voilà qui se fait la belle en tête de gondole dans les boutiques d’art de la table. La voilà qui se retrouve consacrée par de pleins bouquins de recettes. La voilà qui se la pète grave, en somme.

Question. Une humanité qui vénère la cuillère et ne mâche guère ne devrait-elle pas porter des couches?

Bonsoir

PS: On a l’air un peu réac pour le coup, voire nostalgique. En fait, non. Tout ça nous fait bien rigoler. Tiens repasse-moi la pipette de gaspacho virtuel.
PS2: Le tire-bouchon, lui, va bien. Merci.