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Lave mes cendres, de Velia Ferracini

Publié le 06 février 2025 par Francisrichard @francisrichard
Lave mes cendres, de Velia Ferracini

Lorsque Martha a avalé quatre pilules qui lui ont ôté la vie, elle a tout déchiré. Son mari. Son enfant. Qu'elle a laissés avec une dernière question déposée sur une lettre qui leur fut dédiée:

"La nature m'a-t-elle programmée sur un unique mode, celui de la tristesse?"

Martha était enseignante, son mari, écrivain. Enfin elle eut une enfant qui, devenue adolescente, lui a annoncé qu'elle était un garçon:

Idée monstrueuse qu'elle ne pouvait accepter.

Depuis la mort de sa femme, et trois mois après, l'écrivain ne réussit pas à écrire une ligne. La situation financière devient inquiétante.

La seule bouée de sauvetage est une demeure que le grand-père d'origine islandaise a héritée de son père et transmise à sa fille unique:

Martha, à la naissance de sa fille tant attendue, avait elle-même voulu lui léguer cet objet immobilier. Le vieil homme, scandalisé par l'annonce de sa petite-fille, la leur avait cédée, car il refusait d'être associé à cette atrocité.

Or le vingt mars deux mille dix, le volcan islandais Eyjafjallajökull se réveille, l'écrivain en voit des images à la télévision et se demande:

Le dernier

reste

est-il

détruit?

Aller en Islande. Là-bas il pourra retrouver Martha, dans sa maison d'enfance, et se remettre à écrire. Contre son gré, l'enfant ira, avec lui.

L'enfant, de corps féminin, a un autre genre: pour lui le genre est mille choses et non pas deux petites boîtes dans lesquelles classer l'humanité.

Il ne peut continuer à vivre dans un genre qui n'est pas le sien. Cette souffrance, qui l'affecte, touche de fait une infime minorité d'individus.

Aussi est-il un incompris, sauf de ses semblables, qui ont créé sur Internet une communauté, un soutien auquel il devra renoncer en Islande.

Il ignore qu'il y rencontrera une jeune femme isolée dans la campagne islandaise, désireuse de réaliser son rêve d'écriture, qui le comprendra.

Elle aussi est incomprise, veut échapper à l'emprise de son père et de son frère, deux mâles qui l'empêchent d'assouvir son besoin vital d'écrire

Dans ce récit multiforme, Velia Ferracini emploie je pour la jeune islandaise, tu pour l'écrivain quand il s'adresse à Martha, il pour l'enfant.

Pas trop souvent, elle emploie des pronoms inclusifs que son personnage d'écrivain considère comme des débilités nouvelles tels que iel ou iels...

En fait, dans ce récit, il n'y a pas trois personnages, mais quatre, car le volcan, en ce printemps 2010, joue également sa partition, jusqu'à la fin.

Le lecteur comprend alors le pourquoi du titre, Lave mes cendres, où les mots prennent un sens... fusionnel et donnent matière à moult réflexions.

Une pensée, bien avant la fin, a peut-être retenu son attention, et il n'est pas indifférent qu'elle soit venue à l'esprit libre de la jeune islandaise:

On ne choisit pas où l'on naît, quel modèle on nous impose, mais on peut décider qui l'on veut devenir.

Francis Richard

Lave mes cendres, Velia Ferracini, 272 pages, Éditions Encre Fraîche (parution le 7 février 2025)


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