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L'éditorial d'Yves de Kerdrel du 29 août.
Changé. C'est la commune de Mayenne où Nicolas Sarkozy a tenté de justifier jeudi la mise en place d'une taxe additionnelle de 1,1 % sur tous les revenus du patrimoine, destinée à financer le revenu de solidarité active. Changé. Le lieu était bien choisi, tant ce nouveau prélèvement au moins le dixième créé en France en moins d'un an constitue un virage à 180 degrés dans l'approche présidentielle des problèmes hexagonaux.
Le revenu de solidarité active n'est pas la panacée du siècle. Pas plus que ne l'ont été la coûteuse allocation de parent isolé, le désastreux revenu minimum d'insertion et l'inefficace prime pour l'emploi. Il comble d'aise les socialistes qui voient toujours dans l'État un puits sans fond capable de subvenir aux besoins de tous. Mais il a un gros mérite, c'est qu'il est lié à la reprise d'un travail, dont il vient accroître les revenus. Il répond donc à la logique «aide-toi et l'État t'aidera» tout en faisant disparaître petit à petit les autres revenus d'insertion ou allocations diverses dont la France est si prodigue.
Fallait-il pour autant le financer par la création d'une taxe sur les 140 milliards d'euros des revenus du capital ? Sûrement pas. Et Gribouille, qui se cachait dans un ruisseau pour ne pas être mouillé par la pluie, n'aurait pas fait pire. Le capital et le travail sont les deux carburants de l'économie. Le pouvoir de n'importe quel État est, bien sûr, de taxer à sa guise l'un et l'autre. Et en la matière, la France atteint des records qui font d'elle la championne des prélèvements obligatoires. Taxer le travail pousse à la délocalisation. Taxer le capital sous prétexte qu'il serait trop bien rémunéré actuellement ! pousse également celui-ci à changer d'affectation.
Car taxer le capital, ce n'est pas taxer les capitalistes, ce n'est pas étêter les plus grosses fortunes françaises qui s'organisent avec soin pour sanctuariser leur capital. C'est au contraire taxer les classes moyennes. Ceux qui travaillent plus pour gagner plus, pour épargner davantage au profit d'une retraite que l'impéritie des pouvoirs publics rendra insuffisante. Tous ces Français ordinaires qui détiennent quelques actions souvent au nom d'un patriotisme économique , de l'assurance-vie dont on a besoin pour financer le déficit budgétaire ou du foncier locatif vont voir leur rendement amputé, pour la seule raison que «depuis plusieurs années les salaires progressent moins vite que les revenus du capital». La taxe de 1,1 % inventée par quelques beaux esprits technocratiques n'est donc bien qu'un «impôt sur l'effort et la sagesse», comme le dit Alain Lambert, l'ancien ministre du Budget. Si Nicolas Sarkozy estime normal «dans un effort de solidarité» que chacun aide les plus pauvres à sortir de l'exclusion, il aurait pu penser aussi à faire contribuer les travailleurs clandestins en tirant un trait sur l'aide médicale d'État, qui coûte 800 millions d'euros par an, et à mettre fin à quelques gaspillages comme les 400 millions d'euros réservés à l'audiovisuel extérieur, plutôt que de frapper une fois de plus ceux qui créent des richesses. Il est dommage que, pour sa rentrée, le président de la République ait choisi l'habileté politique aux dépens de l'efficacité économique. Cette année, l'été s'est terminé à Changé.