
Critique de Orgueil et préjugés… ou presque, d’Isobel McArthur, librement adapté du roman de Jane Austen, adaptation française de Virginie Hocq et Jean-Marc Victor, vu le 24 janvier 2025 au Théâtre Saint-Georges
Avec Emmanuelle Bougerol, Lucie Brunet, Céline Esperin, Magali Genoud, Agnès Pat’, Et Melody Linhart A La Guitare, mises en scène par Johanna Boyé
Orgueil et Préjugés… ou presque, cumulait plein de raisons de me démotiver. Déjà, je ne suis pas une grande fan de Jane Austen, et pas plus d’Orgueil et Préjugés. Mais lui accoler « ou presque » ne me le rend pas vraiment plus sympathique – au contraire, ce n’est pas vraiment un titre qui me fait envie. Mais j’ai passé l’âge de juger sur des titres – on sait tous qu’il y a de supers titres qui ne transforment pas l’essai et des titres un peu moyens (voire carrément nuls) qui cachent des perles. A votre avis, dans quelle catégorie se classe celui-ci ?
Vous connaissez sans doute Orgueil et préjugés, l’original de Jane Austen ? Il y est question des cinq soeurs Bennet dont l’excitation est au max lorsqu’elles apprennent l’arrivée prochaine de deux jeunes hommes, célibataires et beaux partis (et beaux tout court, pour ne rien arranger). S’ensuivent les intrigues et les rebondissements nécessaires pour nous faire croire que non, ça ne va pas se faire, mais en fait si, finalement, tout va bien qui finit bien. Bref, ici, la trame est la même, sauf qu’on n’adopte pas vraiment le ton léger du roman d’amour classique. On joue avec les codes de la romance, on fait la guerre aux clichés, et on se concentre davantage sur ce qu’on ne montre pas, d’habitude, dans un roman à l’eau de rose. Et tout ça, en musique, s’il vous plaît !
Désamorçons tout de suite ce sujet brûlant, LA question qui est sur toutes les lèvres : non, je ne suis pas une grande fan de Jane Austen. Non, ça ne me fait ni chaud ni froid qu’on joue avec ce texte. Je suis même plutôt intriguée, en vérité, car il y a matière à jouer avec les clichés de la société anglaise du XIXe siècle. Et là-dessus, je dois bien le reconnaître, le pari est tenu. Tellement tenu, même, tellement inhabituel, tellement britannique, que mon rire est d’abord un peu coincé. On est au milieu d’un grand n’importe quoi – très bien orchestré, certes, mais complètement what the fuck – qui joue avec le kitsch, le caricatural, et l’absurde en même temps. Un peu too much pour mon esprit français étriqué.
Mais au bout du compte, c’est plutôt une très bonne surprise. Le mécanisme gagnerait sûrement à être resserré – trop de second degré, tue le second degré – et les vannes à être presque davantage appuyées. On est vraiment dans le plus c’est gros, plus ça passe. Mais c’est trop bien fait pour ne pas m’accrocher. Au bout d’un moment, un premier rire éclate – le premier d’une longue série. Vous l’aurez compris, ce spectacle, c’est un peu Instagram VS réalité. Ce qu’on a fantasmé de cette rencontre avec ce beau jeune homme VS ce qui se passe en réalité. Un puits sans fond de comiques de situation pas toujours des plus fins mais en tout cas des plus efficaces. Oui, on a ri de prouts, et oui, on trouve aussi que ça manque un peu au théâtre français (c’est peut-être pour ça qu’on aime tant Pierre Guillois ?).
Et puis il y a quelque chose sur scène, un amusement, une allégresse, qui est communicative. Elles ont beaucoup de talent, ces filles – et oui, je sais que je le dis de plus en plus souvent, et c’est plutôt joyeux, mais c’est chouette de ne voir que des femmes sur un plateau. Mention spéciale à Emmanuelle Bougerol, tout simplement extraordinaire. Elle a toutes les couleurs du comique, et manie l’art du too much comme du rire le plus fin. On s’incline vraiment très très bas.
On sort peut-être sans préjugés, mais plein d’orgueil. Il faut dire qu’elles nous représentent bien, ces meufs !


