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Le Journal

Publié le 29 janvier 2025 par Morduedetheatre @_MDT_
Journal

Critique du Journal, d’Antoine Beauquier, vu le 22 janvier 2025 à la salle Réjane du Théâtre de Paris
Avec Bruno Putzulu, Bruno Debrandt, Bernard Malaka, Carolina Jurczak et Olivier Claverie, mis en scène par Anne Bouvier

Je me hype un peu, à l’annonce du Journal. Déjà parce que la distribution est canon (oui, je suis un peu amoureuse de Bernard Malaka, c’est vrai, et alors ?), mais surtout parce que les sujets politiques, théâtralement, ça peut très bien fonctionner – Big Mother en est la preuve. Toute hype s’évacue de mon corps lorsque, juste avant le début de spectacle – j’étais à la première – j’apprends que l’auteur est avocat pénaliste. Avocat pénaliste, et donc pas dramaturge, voilà ce que j’entends. Mais les premières répliques me rassurent. Au fond, le tribunal, c’est un peu comme une grande scène de théâtre, non ?

La pièce s’ouvre sur un échange entre Edmond, directeur d’un journal d’investigation, et l’un de ses journalistes, Raphaël. Ils parlent d’un article à venir qui risque de ruiner la réputation de l’actuel ministre des Outre-Mer, Jacques Flamm. Seulement voilà, un concours de circonstance malencontreux veut que la fille d’Edmond se retrouve emprisonnée au même moment à Jakarta, dont le système judiciaire semble tout sauf fiable. Edmond va devoir faire appel à Jacques Flamm pour tirer sa fille de cet enfer. Mais du coup, son article, que va-t-il en faire ?

Je suis passionnée par les séries du Monde ou les Cash Investigation d’Elice Lucet. Autant vous dire qu’avec ce Journal, je suis dans mon élément. C’est bien fichu. Encore un peu lent, c’est vrai, mais c’est la première, je ne m’inquiète pas. Le texte, la distribution, les comédiens, la mise en scène, tout est suffisamment intelligent pour parvenir à trouver son rythme. Les punchlines s’enchaînent et les intrigues se mêlent sans encombre. On a parfois l’impression de reconnaître des personnages bien réels (Rodolphe Saadé, la bise à vous !). Sauf que c’est bien mieux que le réel. Parce qu’en plus d’être corrosif, c’est drôle. Qu’il est chouette, ce rire avec un arrière-goût d’acide !

Le pouvoir devient presque un personnage à part entière. Qui assiste, joyeux, au déchirement de ses partenaires. Il se déplace, écoute, change de camp souvent, s’amuse. Il faut dire qu’il est dans le parfait terrain de jeu. Les politiques font de merveilleux personnages de théâtre. Ils sont si croustillants. C’est fou de se présenter sous un jour si caricatural et si malin à la fois. Tous sont dessinés en profondeur, avec plus ou moins de blanc, de noir, et de couleur. Tous défendent leur vision avec finesse. On voit presque les menaces qui planent jusqu’à courber les corps et creuser les méninges de chacun suivant l’enchaînement des situations. C’est aussi ça, qu’on aime, dans une intrigue policière. L’humain. Ou ce qu’il en reste.

C’est une construction intéressante. C’est un château de cartes qui pourrait s’effondrer à chaque étage. Et à chaque fois qu’on rajoute une carte, on se dit que peut-être, là, ça ne va plus tenir. Mais ça continue de s’équilibrer. On jongle de suspicion en doute, de fulgurance en méfiance. Parmi les mystères, les mensonges, les non-dits, quelque part, la vérité existe. Et j’adore ce jeu du chat et de la souris. J’adore là où il m’emmène. Les questions qu’il soulève. Les conflits d’intérêts qu’il propose. Le miroir qu’il nous tend. Des histoires de vérité. Des histoires de morale. Des histoires de transparence. Des histoires de valeurs. Des histoires d’image. Des histoires de bien et de mal. Des histoires de limites. Il y en a plein, des questions, en filigrane, posées là, comme ça, sans appuyer, à nous de choisir ce qu’on en fait. Je les prends toutes.

Le Journal prend la suite de Chers Parents qui est resté des années à l’affiche de la Salle Réjane. On lui souhaite le même succès !

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