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Deux Poèmes d’Abdellatif Laâbi

Par Etcetera
Deux Poèmes d’Abdellatif Laâbi

J’avais déjà eu l’occasion de parler de ce livre anthologique d’Abdellatif Laâbi, intitulé L’arbre à poèmes, et paru chez Poésie/Gallimard.

J’ai choisi ces deux poèmes en relation avec le thème du voyage. Ils proviennent tous les deux du recueil « L’étreinte du monde« , qui date de 1993.

Note biobibliographique sur le poète

Abdellatif Laâbi, né à Fès en 1942, est un poète, écrivain et traducteur marocain. Il a fondé en 1966 la revue Souffles qui jouera un rôle considérable dans le renouvellement culturel au Maghreb. Son combat lui vaut d’être emprisonné de 1972 à 1980. Il s’est exilé en France en 1985. Il reçoit le prix Goncourt de la poésie le 1er décembre 2009 et le Grand Prix de la Francophonie de l’Académie française en 2011. (Source : Wikipedia).

Note pratique sur le livre

Éditeur : Poésie/Gallimard
Année de publication : 2016
Préface de Françoise Ascal
Nombre de pages : 260

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(Page 59)

En vain j’émigre

J’émigre en vain
Dans chaque ville je bois le même café
et me résigne au visage fermé du serveur
Les rires de mes voisins de table
taraudent la musique du soir
Une femme passe pour la dernière fois
En vain j’émigre
et m’assure de mon éloignement
Dans chaque ciel je retrouve un croissant de lune
et le silence têtu des étoiles
Je parle en dormant
un mélange de langues
et de cris d’animaux
La chambre où je me réveille
est celle où je suis né
J’émigre en vain
Le secret des oiseaux m’échappe
comme celui de cet aimant
qui affole à chaque étape
ma valise

*

(Page 60)

Deux heures de train

En deux heures de train
je repasse le film de ma vie
Deux minutes par année en moyenne
Une demi-heure pour l’enfance
une autre pour la prison
L’amour, les livres, l’errance
se partagent le reste
La main de ma compagne
fond peu à peu dans la mienne
et sa tête sur mon épaule
est aussi légère qu’une colombe
À notre arrivée
j’aurai la cinquantaine
et il me restera à vivre
une heure environ

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