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Christine T. Elong : Mexico

Par Gangoueus @lareus
Christine Elong Mexico

Introduction 

Je pars du principe que désormais que je choisis de me faire plaisir en ce qui concerne mes lectures. Inconsciemment un filtre s’est mis en place à mon niveau : lire de bons textes. Et aborder un roman autoédité va devenir de plus en plus problématique avec ce mindset. Mais dans le domaine, il y a des surprise...


Aparté avec Acèle Nadale et Christine T. Elong sur l’auto édition

Par podcast interposé, nous avons pris le temps d’échanger avec Acèle Nadale - CEO de la plateforme Afrolivresque - qui défend mordicus la place de l’auto édition dans la chaîne du livre africain. Je pose la question de la qualité et de la finition du produit dans ce contexte. Le livre auto édité et le livre publié à compte d’auteur ont le défaut de ne pas être passé par le filtre d’un comité de lecture, du traitement par l’éditeur qui va devoir s’engager à défendre avec  ses tripes et son fric une œuvre littéraire. Si j’entends l’argument, que les éditions parisiennes défigurent, travaillent les œuvres de nombre d’auteurs africains afin qu’elles soient accessibles à un public averti occidental, il ne suffit pas à me mobiliser sur des œuvres auto éditées - où le propos de l’auteur serait plus authentique - malheureusement souvent inabouties. Il faudrait de mon point de vue, plus d’éditeurs indépendants dédiés aux lettres africaines publiant à compte d’éditeur pour faire sérieusement ce travail de défrichage…

Néanmoins, j’ai échangé avec Christine T. Elong qui m’avait proposé la lecture de ses romans, il y a au moins deux ou trois ans. Le titre m’avait interpellé à la réception de l’ouvrage : Mexico. Comme le disait avec beaucoup de sagesse, Ange Mbelle, distributrice, dans le contexte des littératures du Sud où la diffusion est l’un des parents pauvres de la chaîne du livre, le titre accrocheur peut participer à amorcer, engager le lecteur. Alors, qu’est-ce qui peut lier une auteure camerounaise avec la ville de Mexico ? En tout cas, en tant que globetrotteur par fiction interposée, je suis passé à la lecture de ce roman autoédité. 


Synopsis 

Alex est un jeune camerounais venu poursuivre ses études dans un institut de technologie à Monterrey et il finit par obtenir un poste d’enseignant dans cette structure. Avant de penser rentrer au Cameroun. Quand on dit cela, on pourrait penser que j’ai spoilé ou divulgaché le roman. Cette question de l’émigration africaine vers les Amériques qu’elle prenne la voie légale par le cursus étudiant ou celle des mouvements migratoires clandestins est une constante en littérature depuis une vingtaine d’années. Principalement en France. Avec des thématiques comme la difficulté de s’intégrer sur les terres d’accueil, le renouvellement de la présence sur ces territoires, le parcours du migrant… 

Plusieurs auteurs ont proposé dans le passé des scénarii de migration vers le Moyen-Orient, je pense par exemple à Noël Kouagou avec Les saprophytes par exemple. Ma précédente chronique sur le nouveau roman de Véronique Tadjo nous place dans le contexte d’une immigration intra-africaine, avec le cas particulier d’étudiants et de travailleurs d’Afrique de l’Ouest vers l’Afrique du Sud. Mexico nous parle de plusieurs formules en fonction des profils migrants que rencontrent Alex.


C’est un jeune camerounais issu d’un milieu social très pauvre mais qui parvient à déjouer les pièges de la vie et de l’éducation nationale de son pays. Christine T. Elong tente de nous donner quelques clés de lecture de ce personnage pour comprendre ses choix, ses réactions. La première réussite de ce roman réside dans la construction de ce personnage d’Alex qui nous fait sentir le Mexique (surtout le nord de ce pays) au travers de ses clichés, mais aussi l’organisation de l’université, le regard et les débrouilles des migrants dans un marché du travail très serré.

Les femmes d’Alex

Je dis cela et je m’arrête là. J’aime l’intelligence de ce personnage. Il ne dévoile pas ses cartes facilement. La question de l’intime dans une installation au sein d'un nouveau pays pour un migrant est une question prégnante. Femmes, hommes sont logés à la même enseigne, celle de la logique d'un pouvoir qui s'exerce à l'abri des regards. Mais Alex est un homme libre prêt à affronter le courroux d'une Mexicaine entreprenante, Guadalupe... ll y a son amour de jeunesse, qui lui a tourné le dos, quand il était jeune au Cameroun pour un homme financièrement établi. Il y a cette migrante camerounaise comme lui avec qu'il partage son appartement. Avec une histoire complexe, une instabilité émotionnelle et des addictions délicates. Christine Elong nous croque un homme solide. Elle nous donne de réfléchir sur ce qu'est l'amour. Jusqu'où sommes-nous capables d'aimer ?

N'eût été le problème du fil narratif, on serait face à un excellent roman. Christine Elong écrit bien, simplement. Elle sait décrire les relations humaines et elle réussit à poser devant nous un miroir. La finition d'un bon éditeur aurait permis d'arriver à cet objectif, le talent étant là.

Christine T. Elong, Mexico

Texte paru en 2022, 205 pages



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