Les Papillons noirs, Florence Ben Sadoun

Par Ephemerveille

On a assisté, il y a peu, à des débats enflammés sur la blogosphère. Le sujet de ces colloques virtuels ; l’envoi de services de presse aux blogueurs. En effet, si certaines maisons envoient volontiers leurs dernières parutions aux blogs (souvent les petites structures), d’autres n’entrent même pas en matière.

En cette période florissante de l’édition, la très respectueuse maison Denoël s’est associée au site 

Chez Les Filles, envoyant à toute la blogosphère littéraire un ouvrage de leur rentrée, en avant première, de quoi réjouir les petits lecteurs-chroniqueurs du Net. L’ouvrage ? La Fausse Veuve, écrit par une certaine Florence Ben Sadoun. Malgré une couverture quelque peu austère, le beau titre de ce qu’on nous annonce être un premier roman nous donne furieusement envie d’ouvrir ce petit volume. Le livre reçu comme un cadeau, on en oublie presque que l’auteur est trois fois journaliste (Première, ELLE, France Culture…), ce qui, si l’on avait eu affaire au roman dans une librairie, aurait peut-être réfréné notre achat.

En entamant la lecture de La Fausse Veuve, c’est une véritable explosion qui se produit. L’auteur écrit sec, elle sait percuter. Alternant le « tu » et le « vous », elle s’adresse à l’homme qu’elle aime avec une virulence à la Claire Castillon, autrement dit, une très bonne entrée en matière.

Ce vouvoiement qui chevauche le tutoiement est une marque de retenue, celle d’une amante, à qui son amant n’appartient qu’à moitié. Mais le problème de cet amour alambiqué n’est pas tant l’adultère et l'épouse qu’il faut éviter. La principale impasse, c’est le syndrôme du « locked-in », ce calvaire que doit endurer l’homme qu’aime la narratrice.

Avant de parler de l’être qu’elle aime, disons quelques mots à propos du « je » .

Il est clair, à la lecture de ce livre, que l’on a été arnaqué sur la marchandise. Il ne s’agit pas d’un roman, mais d’un récit autobiographique. L’homme pour qui Florence Ben Sadoun a fait des kilomètres de route pendant des mois était Jean-Dominique Bauby. Ca ne vous dit rien ? Mais si, rappelez-vous le film avec Amalric, Le Scaphandre et la Papillon. (L’aile d’un de ces lépidoptères sert d'ailleurs d’illustration à la couverture de La Fausse Veuve). Bauby est l’auteur du livre duquel est tiré le long-métrage éponyme de Julian Schnabel, primé à Cannes en 2007.

La relation entre Ben Sadoun et cet homme l’a donc mue dans l’écriture de ce « roman ». Qu’en est-il du reste de l'ouvrage ?

Après les impressionnantes premières pages, on assiste à un total effondrement de ce que l’on pensait être un livre fulgurant et stylistiquement très intéressant. A force d’être acerbe, âpre, Florence Ben Sadoun en devient presque venimeuse. S’attaquant à la femme de son aimé, mais à lui aussi, elle extériorise son désarroi avec violence et distille sa douleur en une corrosive agressivité. Son cri de douleur ne semble même pas sincère. Au lieu de hurler sa souffrance, Florence Ben Sadoun s’écoute hurler et se regarde souffrir. La deuxième moitié de son premier coup d’essai littéraire est totalement égocentré. Une manière peu habile de truffer de douleurs plus anciennes ces pages déjà si tourmentées.

On sort donc plutôt mal à l’aise de cette lecture. N’aurait-il pas été plus juste de garder ce texte dans son écrin ?Ou, mieux : qu'il reste une velléité dans le coeur de son auteur ?

En le lisant, le lecteur a l’impression de déranger, d’assister vainement à la tempête qui fait rage.

Enfin, le côté « Rive Gauche qui se morfond » (« seule assise au café de Flore »…) aura fini de nous assommer. Laissant son lecteur définitivement perplexe, Florence Ben Sadoun, en parlant d’elle, n’aura peut-être réussi qu’un seul et mince exploit : celui d’être meilleure que sa consœur Christine Angot.