L’objectif premier est de permettre aux générations futures de disposer des ressources dont elles auront besoin…
Cette phrase, extrait du 2ème chapitre du rapport du « Grenelle de l’environnement » « Lutter contre les changements climatiques et maîtriser l’énergie » synthétise bien l’enjeu énergétique que nous avons à résoudre.
Dans la mythologie grecque, Prométhée volait le feu de Zeus pour le donner aux hommes. L’homme a appris à transformer la chaleur en énergie mécanique et cette maîtrise a été l’un des éléments majeurs de la révolution industrielle du XIXème siècle.
Puis l’arrivée d’énergie primaire facile à mettre en œuvre et bon marché (gaz, pétrole) a contribué à l’essor industriel du XXème siècle.
De l’essor économique apportant des gains de productivité mais aussi une amélioration importante de la qualité de vie, nous sommes passés dans une société de l’abondance et du gaspillage.
Nous sommes actuellement de vrais gloutons et nous consommons sans répit en laissant dernière nous des monceaux de déchets que nous ne savons que faire et que la nature n’est plus capable de recycler sans perturbation des grands équilibres physico-chimiques.
Dans ce contexte, la France et l’Europe doivent se placer dès à présent sur une trajectoire de division par quatre de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, ce qui impose d’imaginer un modèle de développement totalement différent de celui que nous connaissons actuellement.
Puisque l’épuisement des ressources fossiles impactera l’ensemble des peuples de la planète et que le changement climatique est également un problème global, les politiques envisagées doivent être conçues dans un cadre qui dépasse le simple enjeu national.
Par exemple, le partage de technologies efficientes en terme d’efficacité énergétique et de diminution des émissions de gaz à effet de serre est important tant pour les pays industrialisés que pour les pays pauvres et les pays émergents.
Les pays pauvres ne pourront sortir de leur misère qu’en ayant accès à l’énergie et la responsabilité des pays développés qui sont responsables de l’épuisement des ressources fossiles et des émissions de gaz à effet de serre seraient bien inspirées de diminuer drastiquement (au moins d’un facteur 4) d’ici 2050 leur empreinte globale pour permettre l’accès à l’énergie des pays les plus démunis.
Au niveau global, nous devons considérer que l’accès à l’énergie devrait être considéré comme un droit au même titre que les droits de l’Homme. En effet, l’accès à l’énergie conditionne d’autres droits comme celui de se nourrir, de se loger, de se soigner puis l’accès à l’éducation, à la culture.
Compte tenu de l’urgence d’agir, des étapes intermédiaires sont nécessaires et celles fixées pour 2020 par le Conseil Européen ouvrent la voie : réduction de 20% de la consommation énergétique, proportion de 20% des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie et réduction de 20% des gaz à effet de serre.
L’obtention de ces objectifs que ne sont, qu’un premier pas, nécessite une analyse sectorielle fine (transport, bâtiment neuf et ancien, agriculture, industrie, tourisme …) afin d’apporter des réponses adaptées à chaque segment.
2050, un rendez à ne pas manquer …
La prospective est toujours un sujet délicat.
Si on ne s’en tient qu’au côté énergétique (l’analyse identique doit être menée pour les GES), les données de base pourraient être les suivantes :
• taux de croissance mondiale de 4% (rythme actuel)
• démographie qui conduit à 9 milliards d’humains en 2050
⇒ la demande énergétique passerait de 10 Gtep (aujourd’hui) à 25 Gtep (2050)
Ce qui n’est pas envisageable.
On conçoit donc que les modélisations du futur énergétique ne peuvent pas se faire sur la base d’une simple projection s’infléchissant plus ou moins.
Des ruptures, voulues ou subies, interviendront.
Si ces ruptures sont subies du fait d’une insouciance irresponsable, elles risquent d’être très dures avec des conséquences sociales importantes, notamment sur les plus fragiles, les plus démunis, les plus pauvres de la planète.
Notre responsabilité politique est donc de faire en sorte que ces ruptures (sociétales, technologiques …) soient voulues afin de pouvoir maîtriser ce que j’appelle « une sortie douce de la nase énergétique et climatique » dans laquelle le monde s’est « fourvoyé ».
Une « sortie douce de la nase énergétique » ne veut pas dire que les mesures à mettre en œuvre seront obligatoirement sans contraintes fortes mais il faut être capable de mettre de la progressivité dans le système et de protéger les plus faibles.
Deux nombreuses études prospectives ont été conduites pour l’évaluation des réserves, et pour définir la date probable du « Peak Oil » qui correspond au moment où on va basculer dans une décroissance des réserves jusqu’à leur épuisement. Les difficultés rencontrées résident dans le fait que des données fiables sont difficiles à obtenir du fait du caractère stratégique de telles données.
Les contraintes de la maîtrise de l’énergie étant acceptées, il reste à établir des scénarios énergétiques combinant offre/besoin.
Il existe aujourd’hui plusieurs écoles de pensée dans le domaine qui montre que, selon les scénarios retenus, les besoins énergétiques mondiaux peuvent varier, en 2050 entre 25 Gtep pour le scénario de type «laisser faire » à 17 Gtep pour celui qui prend en compte tous les paramètres d’efficacité énergétique.
Cependant, l’analyse de tous les scénarii montre que le pétrole sera encore l’énergie dominante en 2050. Or une diminution trop rapide des hydrocarbures pourrait entraîner une crise très sévère.
D’autant qu’à côté du pétrole, le gaz semble avoir lui aussi des réserves relativement limitées dans le temps (20 ans, 30 ans, 50 ans ?)
Reste le charbon dont les réserves pourraient être de l’ordre d’un siècle mais qui a un impact extrêmement négatif sur le climat si on l’utilise directement.
Connaître la disponibilité de ces différentes sources d’énergie (y compris renouvelables) est indispensable pour établir un scénario énergétique, mais il faut également prendre en compte leurs performances en terme d’efficacité, de rendement, de disponibilité, de stockage, de nomadisme et de concentration énergétique.
A ce titre, les énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique, géothermique...) ainsi que la biomasse sont placées loin derrière les hydrocarbures. Par exemple, il faut 10 000 éoliennes pour produire autant d’énergie qu’une centrale à gaz à 500 mégawatts. Enfin, le cas du solaire et de l’éolien qui sont des énergies intermittentes nécessite des stockages qui diminuent rapidement les rendements.
Je pense que le premier travail est de définir un scénario de consommation maximale admissible pour nous pour 2020 et 2050 et d’identifier les ressources primaires et l’énergie finale (utilisation) disponible permettant de répondre aux besoins fixés.
Il nous faut ensuite, proposer des solutions qui peuvent s’appuyer sur le document de synthèse du Grenelle de l’environnement qui est un bon outil de travail et de réflexions. Nous devons bien entendu compléter le diagnostic et les propositions qui en émanent.
Dominique Lemoine