Dans une chronique du Figaro du 2 septembre ( ici )Jean d’Ormesson joue au petit jeu de l’amalgame et des parallèles trompeurs. A sa manière – académique – il met dans le même panier les trois plus grandes puissances du moment : Etats-Unis, Chine et Russie, qui ont également dominé les derniers Jeux olympiques. C’est bien connu : c’est le propre des nains de faire un complexe vis-à-vis des géants.
Il parie sur l’élection de John Mc Cain aux Etats-Unis. Mais cela ne semble pas lui faire immensément plaisir parce cette élection sera le fait d’ « une Amérique conservatrice et inquiète, assoiffée de sécurité ». Il n’a sans doute pas tort en faisant ce pronostic, mais c’est un peu court vieil homme…
Pour appuyer sa démonstration il affirme que John Mc Cain « aura été aidé en tout cas par ce qui s’est passé cet été en Chine et en Russie. Que s’est-il donc passé ? Disons les choses en un mot : un nationalisme appuyé sur l’armée a fait retour avec une force assez terrifiante dans ces deux anciennes citadelles du communisme international ».
Le parallèle est hardi. Car d’un côté la Chine est restée communiste et a maté une rébellion dressée contre son oppression au Tibet. De l’autre, après près de trois quarts de siècle de communisme, la Russie est devenue une démocratie – certes imparfaite, mais existe-t-il des démocraties parfaites ? – et elle est intervenue suite à une agression du « nationalisme appuyé sur l’armée » de la Géorgie (voir mon article La folle fuite-en-avant de Saakachvili l'oblige à faire marche-arrière ).
Jean d’Ormesson prétend que « la démocratie n’est pour elles (la Chine et la Russie) qu’un alibi commode et un mot sans signification ; elles s’arrangent pour faire taire leurs adversaires d’une façon ou d’une autre et sans le moindre scrupule dès qu’ils semblent constituer un danger pour le régime ». Il veut nous faire croire que la situation est la même dans les deux pays, alors qu’il est visible que la Russie évolue – peut-être pas assez vite – tandis que la Chine reste figée.
Que les EU et l’UE soutiennent quasi inconditionnellement la Géorgie ne fait pas d’elle une blanche colombe de la paix. Que les pays baltes et la Pologne aient peur du grand méchant ours, ennemi de toujours, ne signifie pas que la Russie ait les visées expansionnistes qu’ils lui prêtent. Or Jean d’Ormesson se risque à un second parallèle tout aussi trompeur que le premier.
Jean d’Ormesson compare en effet la crise géorgienne de l’été 2008 à celle des Sudètes de 1938 : « C’est pour venir au secours des Allemands opprimés par une Tchécoslovaquie à laquelle ils étaient rattachés depuis la fin de la Première Guerre mondiale que le IIIe Reich a réclamé le territoire des Sudètes ».
Le seul vrai parallèle entre ces deux crises est que 1es deux ont eu lieu une année se terminant par un 8. Autrement les différences sautent aux yeux. Les Sudètes avaient certes été arbitrairement rattachés à la Tchécoslovaquie comme l’Ossétie du Sud l’a été par le géorgien Staline à la Géorgie, mais ils n’avaient pas conquis leur indépendance 15 ans plus tôt et les troupes tchécoslovaques n’étaient pas intervenues militairement pour les faire rentrer dans le rang. Jean d’Ormesson ne peut l’ignorer.
C’est pourquoi il prend tout de même la précaution de dire que « l’histoire ne se répète pas et (que) personne ne fera croire que le président Dmitri Medvedev soit un nouveau Hitler ». Mais il « voudrait être certain que les événements de Géorgie ne sont pas le signe annonciateur d’une longue série de crises destinées à faire sortir la Russie de la situation diminuée où l’a précipitée l’implosion du communisme ».
Il n’y a jamais de certitude en matière de frontières. L’histoire est pleine de redéfinitions de frontières à travers le temps. Il est seulement certain que, quand elles sont mal dessinées, elles sont la cause de guerres qu’il vaudrait mieux pourtant éviter. En tout cas, ne sont pas en mesure de les éviter les Nations Unies qui, selon Ormesson, sont « seules habilitées à décider de l’accession à la dignité d’Etats souverains des régions tentées par l’indépendance ». L’exemple du Kosovo est la preuve du contraire puisque leurs résolutions n’ont pas été appliquées par la communauté internationale.
Après une période de déclarations intempestives l’UE est revenue à de meilleures dispositions à l’égard de la Russie (voir mon article Les E.U. et l'U.E. ont perdu leur intégrité morale face à la Russie ). Elle se différencie des EU qui restent va-t-en guerre. Elle a compris sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy et d’Angela Merckel que la meilleure façon de préserver la paix n’était pas de se montrer agressive, mais de montrer à son interlocuteur russe quels étaient les intérêts réciproques de l’UE et de la Russie. La Russie a beaucoup à perdre à se priver des débouchés européens, l’UE a beaucoup à perdre à se priver des approvisionnements énergétiques russes.
De même que les échanges permettent de faire évoluer les mentalités de ceux qui les pratiquent – la Chine ne pourra pas indéfiniment conserver un régime en contradiction avec le « capitalisme effréné » que Jean d’Ormesson fustige – de même ils sont le meilleur frein qui puisse être apporté à ce que Jean d’Ormesson appelle le nationalisme conquérant.
Francis Richard
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 02 octobre à 20:12
Je ne partage pas du tout vos point de vues sur Jean d'Ormesson, et les derniers livres qu'il vient de sortir sont une reconnaissance de ce que je disais à propos du "Rapport Gabriel"
Voir le lien suivant : http://www.liremoi.com/Le-genie-ne-produit-pas.html
Il est très fort d'être aussi présent dans les médias avec autant de vide à apporter !